Toutes les photographies ont été prises par Florian Pupat. Retrouvez ses œuvres par ici.
Le projet financé par Reforest’Action se situe dans l’État mexicain de Campeche, l’une des divisions administratives qui composent la péninsule du Yucatán et bordent le Golfe du Mexique. Riche d’un patrimoine historique et naturel exceptionnels, cette zone géographique mérite une attention toute particulière.
De nombreux héritages du passé
Berceau de la civilisation Maya et du peuple Chontal, le territoire indigène de Campeche résiste à la colonisation espagnole jusqu’en 1540. Reflet de l’hostilité des écosystèmes naturels qui s’y trouvent, son nom en langue native signifie littéralement « lieu des serpents et des tiques ». L’occupation espagnole, outre le bouleversement culturel majeur qui en résulte, marque le début d’un changement massif dans l’utilisation des terres de la région.
Les conquistadors abattent la forêt du Campeche, autrefois recouvert d’une jungle tropicale unique en son genre, pour y cultiver de la canne à sucre et autres denrées pouvant être commercialisées. C’est ainsi que l’intérêt économique de certaines espèces endémiques est découvert. L’exemple le plus parlant est sans aucun doute le commerce du Palo de Tinto, arbre caractéristique des anciennes terres Maya, qui signe le début d’une ère marchande sans précédent.
Jungle encore intacte, État de Campeche
Le bois de Campeche : richesse d’une époque révolue
Le Palo de Tinto - aussi appelé bois de Campeche ou « logwood » - est un petit arbre à épines originaire du Mexique. Ses fibres rouge foncé permettent de produire une encre noire utilisée pour écrire sur du papier, teindre les vêtements et les cheveux. Pendant la période coloniale, ce bois de teinture est largement exporté en Europe par les Espagnols, et l’hématoxyline (substance colorante contenue dans le bois) devient le colorant le plus répandu sur le continent européen. Jusqu’au XVIIIe siècle, la quasi-totalité des tissus, des cuirs et des documents officiels sont imprégnés de sa poudre rouge. Devenu l’or du Campeche, le Palo de Tinto attire rapidement la convoitise des pirates les plus légendaires, qui tentent d’accaparer les navires débordants de la Flotte des Indes.
Branche de Palo de Tinto
Du bétail à l’ombre des palmiers
La révolution industrielle, qui démocratise l’utilisation de teintures synthétiques et moins chères à produire, annonce le déclin du bois de Campeche. Après l’indépendance du Mexique en 1821, la population se voit contrainte de trouver d’autres moyens de subsistance. La culture du riz, adaptée au caractère inondé de la zone, et l’élevage massif de bovins deviennent les principales sources de revenu des producteurs locaux. Le « boom du bétail » provoque une transformation importante du paysage, l’herbe y remplaçant les arbres. La production de viande au Mexique reste une activité prédominante aujourd’hui et constitue un challenge pour la conservation et la préservation des écosystèmes.
Ce n’est qu’au début du XXIe siècle que la production d’huile de palme séduit les éleveurs dont les troupeaux souffrent grandement du réchauffement climatique. Les pâturages sont progressivement convertis en plantations de palmiers à huile, favorisées par le gouvernement qui y voit une alternative à l’économie du pétrole. La lourde utilisation de pesticides dans les palmeraies contamine petit à petit les sols et les eaux des bassins naturels, induisant la disparition de l’incroyable biodiversité qu’ils abritent.
Actuellement, près de 80% des terres de l’État de Campeche ont été transformées en zones de pâturage pour l’élevage de bœufs ou en cultures destinées à l’exportation d’huile de palme.
Monoculture de palmiers à huile, État de Campeche
Un climat rigoureux pour des écosystèmes précieux
Le Campeche renferme certains des milieux naturels les plus riches au monde. Il s’agit d’un territoire relativement plat, composé de bassins sédimentaires et de littoraux. Le climat tropical de la région est rude, les températures déjà élevées étant accentuées par une humidité étouffante. Cependant, la diversité de la faune et de la flore qui subsistent dans cet environnement hostile à l’Homme est inestimable. Les conditions climatiques et géographiques de la zone sont propices à l’épanouissement de plusieurs types d’écosystèmes dont les forêts tropicales sempervirentes, les prairies, les écosystèmes aquatiques et subaquatiques, les mangroves ainsi que le biotope du Tintal (décrit plus bas).
S’inscrivant au cœur du point chaud de biodiversité de la Mésoamérique, aire culturelle de l’Amérique précolombienne, le Campeche accueille en son sein plus de 300 espèces animales. Parmi elles, les plus emblématiques sont certainement le jaguar, l’ocelot (petit félin en voie de disparition), le singe-araignée ou encore le singe hurleur. En outre, les mangroves des littoraux jouent un rôle important de refuge pour les oiseaux migrateurs.
Bien que la faune de la région soit encore abondante, une grande partie a été décimée par l'agriculture et l'exploitation des ressources forestières.
Singe-araignée photographié dans la zone du projet
Tyran quiquivi photographié dans la zone du projet
Iguane vert photographié dans la zone du projet
Laguna de Términos
L’État de Campeche borde deux importantes réserves naturelles : Pantanos de Centlas et Laguna de Términos. La première est constituée de zones humides boisées situées le long de la côte, tandis que la deuxième se compose d’une lagune naturelle, séparée du Golfe du Mexique par une étroite bande de terre.
Le projet développé par notre partenaire s’inscrit au sein de l’aire protégée Laguna de Términos. La lagune est reconnue comme une zone de haute importance depuis 1994 par le gouvernement mexicain en raison de la richesse des écosystèmes biologiques installés dans ses estuaires. Ces derniers sont alimentés par plusieurs rivières d’eau douce qui se jettent dans la lagune d’eau de mer, pour donner naissance à une eau saumâtre. Il s’agit du système lagunaire le plus important du pays.
Réserve naturelle Laguna de Términos, vue de haut
Depuis des milliers d’années, les sédiments transportés par les cours d’eau ont formé un habitat remarquable pour de nombreuses espèces endémiques. Le fleuve Usumacinta, l’un des plus importants d’Amérique Latine et sans doute le plus riche en nutriments, a permis à une diversité d’êtres vivants de se développer. Dans les eaux saumâtres de la lagune, on rencontre ainsi un grand nombre d'espèces aquatiques telles que de petits requins, des tortues et des cigognes, et plus de 130 espèces de mammifères dont le jaguar, qui vit à proximité des points d’eau. Les espèces végétales qui peuplent la réserve forment quant à elles un paysage verdoyant à couper le souffle.
L’humidité qui caractérise ce parc national le rend difficilement praticable pour les hommes. Il y pleut une grande partie de l’année et la zone est inondée au moins six mois sur douze. Le niveau de l’eau dépassant bien souvent la hauteur des habitations, les communautés locales ont déménagé sur les collines avoisinantes. Alejandra, Project Officer pour Reforest’Action au Mexique, raconte qu’il est difficile de se rendre sur la zone du projet. « En période sèche, il est possible d’y accéder seulement à cheval car la végétation est trop haute. En période d’inondation, nous circulons à bord de canoés », explique-t-elle. Dans son reporting trimestriel, l’équipe de terrain nous fait part d’une anecdote : « pendant la saison des pluies, les routes étaient inondées au point d’atteindre le ventre des chevaux utilisés pour transporter le personnel, et nous avons ainsi pu observer de petits crocodiles flotter près de la zone de plantation. »
Transport en canoë dans la zone du projet inondée
Le Tintal, puits écologique hors pair
Entre terre et mer, le Tintal désigne l’écosystème dans lequel évolue le Palo de Tinto, l’arbre noir. Alejandra s’émerveille devant cette essence singulière : « c’est en fait l’un des rares spécimens à pouvoir pousser les pieds dans l’eau, le tronc immergé sur plusieurs dizaines de centimètres ». S’il est toxique pour beaucoup d’autres végétaux et les empêche de pousser dans son environnement immédiat, cet arbre est indispensable à la survie de bien des espèces animales. En effet, il est source d’éléments nutritifs essentiels aux animaux. Présentes uniquement dans la péninsule du Yucatán, les forêts de logwood sont considérées comme des écosystèmes uniques au monde.
Rendez-vous en « terre du jaguar »
Selon l'Union Internationale pour la Conservation de la Nature (UICN), le jaguar (Panthera onca) est classé comme quasi-menacé. Avec seulement 64 000 individus restants, sa population a considérablement diminué au cours des dernières décennies. En cause, la disparition de son habitat naturel. On estime qu’en un siècle, le fauve a perdu la moitié de son aire de répartition.
Par manque de proies naturelles, le jaguar se rabat sur les animaux domestiqués et notamment sur le bétail, entraînant des conflits avec les agriculteurs qui n’hésitent pas à en faire une cible. Sans abri ni nourriture, on le retrouve désorienté, errant sur les autoroutes alentour où il se fait régulièrement renverser par les véhicules. Ceci est sans compter le braconnage qui existe toujours en Amérique Latine : la peau et les dents du grand félin étant très prisés dans certaines cultures, notamment asiatiques. Les jaguars sont pourtant très utiles à l’ordre naturel, puisque qu’ils régulent les populations d’herbivores.
Depuis quelques années, on constate néanmoins une évolution positive du nombre de jaguars au Mexique grâce aux efforts de conservation menés dans le pays. Le WWF a recensé une augmentation de 20% de la population en 8 ans. Cependant, le félidé est toujours mis en danger par le changement d’utilisation des terres qui, lui, ne faiblit pas.
Jaguar photographié au Mexique
Le jaguar, dieu des Mayas
Le jaguar est l'un des animaux les plus vénérés de la culture maya, encore très présente dans la péninsule du Yucatán. Considéré comme le dieu du Soleil, l’animal possède le pouvoir de relier le monde physique, ou « Monde d’en bas », au monde spirituel, ou « Monde d’en haut ». Perpétuant le cycle des jours, il décrit chaque matin le trajet du soleil en voyageant à travers le ciel avant de retomber dans les abysses « d’en bas » à la nuit tombée. Symbolisant le soleil, le jaguar est donc le protecteur du monde naturel qui lie les Mayas à la Terre-Mère.
Aujourd'hui, ce puissant félin continue de jouer un rôle non négligeable dans les légendes traditionnelles mexicaines. Annette, Coordinatrice Régionale de la zone Amérique Latine chez Reforest’Action, nous partage ce qu’elle a ressenti lors de son immersion en « terre du jaguar » : « dans l’État du Campeche, le jaguar est partout et nulle part à la fois. On en entend constamment parler sans jamais l’apercevoir. C’est presque devenu un mythe. » Il est effectivement très difficile d’observer l’animal dans son milieu naturel. « De petites caméras ont été dissimulées non loin du projet, ce qui nous a permis de constater avec joie le retour de ce fauve légendaire dans la zone de conservation », reprend Annette.
Entre bioéconomie circulaire et conservation d’espaces naturels
Le projet conduit par Reforest’Action et notre partenaire de terrain est localisé près de la ville de Palizada, au sud-ouest de l’État de Campeche. Les terres concernées ont été volontairement désignées pour faire partie de la réserve naturelle Laguna de Términos. S’échelonnant sur deux ans, ce projet multifacette comprend plusieurs volets aux bénéfices distincts.
Le projet concerne deux zones situées côte à côte : il est question, d’une part, de restaurer l’écosystème endémique du Tintal et, d’autre part, d’instaurer une zone de conservation qui servira de refuge à la biodiversité locale.
Une entreprise familiale
Dans le cadre de sa visite, Annette est partie à la rencontre du porteur de projet, Juan-Carlos García, et de sa femme d’origine allemande, Johanna, qui coordonne les opérations à ses côtés.
Juan-Carlos hérite du ranch de son père, un ancien « ganadero » qui élevait des taureaux de compétition, discipline très populaire au Mexique. Après avoir étudié la permaculture à Londres, où il rencontre Johanna, il décide de reprendre le ranch familial pour y mener des actions de restauration et de conservation. Il fonde alors son entreprise, Planalto, dont le modèle multiple lui permet à la fois d’agir pour les écosystèmes et de générer un panel de produits dérivés dont il tire des bénéfices. Un système vertueux pour l’environnement et pour l’économie locale. Interrogé par Annette sur place, Juan-Carlos est fier de ce qu’il met en œuvre : « ici, nous prévoyons de planter plus d’un million d’arbres d’essences locales, sur une surface de 1500 hectares », précise-t-il.
Juan-Carlos et sa femme, Johanna
Ranch Santa Lucia
L’équipe de Planalto se compose à la fois de travailleurs temporaires, pour les travaux les plus simples, et d’employés formés sur le long terme aux principes de la permaculture, de la gestion holistique et de l'agroécologie. Sur les terres du ranch, aucun pesticide n’est utilisé et le sol n’est pas labouré. Pour Annette, « la vision de Juan-Carlos et de sa femme est remarquable. Ce sont des visionnaires. »
Volet 1 : restaurer l’écosystème du Tintal
Sur les 1180 hectares qui forment le ranch de Santa Lucia, Juan-Carlos travaille à reconstituer l’écosystème endémique du Tintal en plantant du Palo de Tinto au sein des pâturages dégradés. Le Guacimo, l’un des rares arbres qui pousse naturellement en association avec le bois de Campeche, y est également introduit. Replanter ces deux essences endémiques de la région permettra, à terme, de redonner vie à un peuplement sur ses terres, tout en reconstituant un écosystème unique.
Zone de plantation de Palo de Tinto
Pépinière du projet
Jeunes pousses de Palo de Tinto en pépinière
Pour le moment et à petite échelle, le projet génère ses propres revenus à travers l’extraction d’hématoxyline, vendue localement pour produire de la teinture. Sur le plan économique, les plantations de bois de Campeche qui sont exploitées dans le respect d’un processus de gestion durable ont pour but de raviver le marché de la teinture naturelle, disparu depuis l’arrivée des teintures de synthèse. À ce sujet, Juan-Carlos met l’accent sur sa volonté de « restaurer la valeur commerciale de cet arbre historiquement renommé. »
Un exemple de bioéconomie circulaire
Juan-Carlos souhaite aller un pas plus loin. À partir d’un schéma circulaire, il cherche à transformer les résidus de copeaux de bois en charbon biologique, dit « biochar », qu’il intègrera dans le sol de ses plantations pour en améliorer la structure. Le « biochar » est obtenu à l’issu d’un processus de pyrolyse au cours duquel la biomasse est carbonisée à haute température.
En plus d’augmenter la fertilité du sol, grâce à sa grande porosité, le charbon biologique permet une meilleure absorption de l’eau et des nutriments en diminuant le phénomène de lessivage. Le plus gros bénéfice du biochar réside toutefois dans sa capacité à accroître la quantité de carbone séquestré dans le sol et à garantir son stockage sur le long terme, soit entre 500 et 1000 ans. Avec la contribution de Reforest’Action, Planalto prévoit de capturer 1 million de tonnes de CO2 par cycle de 10 ans.
La chaleur dégagée par la pyrolyse pourra être réutilisée par Juan-Carlos pour produire de l’électricité, fournissant ainsi une énergie propre et renouvelable. La coproduction de biochar et de bioénergie contribue donc à lutter contre le changement climatique en étant une alternative à l'utilisation de combustibles fossiles. Le CO2 libéré par ces transformations sera ensuite stocké par les arbres plantés. « Nous rendrons à la terre ce que nous lui avons pris en premier lieu. La boucle sera bouclée », se réjouit Johanna, en charge du projet.
Copeau de bois de Campeche
Encre issue de l'extraction de l'hématoxyline
La bioéconomie définit la valorisation des ressources biologiques renouvelables pour produire celles dont la société a besoin (aliments, matériaux, énergie). En résumé, il s’agit d’une économie circulaire appliquée à la biomasse. Au travers de leur projet avant-gardiste, Juan-Carlos et Johanna créent leur propre système de bioéconomie circulaire.
Volet 2 : préserver l’habitat du jaguar
Au sein de son second ranch, nommé Villa Rosa, Juan-Carlos a instauré une zone de conservation de la jungle encore intacte, sur une surface dédiée de 350 hectares. Concrètement, cela consiste à enrichir certaines parcelles par la plantation d’un grand nombre d’espèces natives de la région, comme le sapotillier, tout en encourageant la régénération naturelle de la forêt. L’objectif est de créer un couvert forestier continu, favorable à la circulation des animaux. Ce procédé favorisera ainsi la formation d’un corridor écologique menant à une rivière, source d’eau précieuse pour la faune. Les arbres plantés produiront par ailleurs de la nourriture pour la biodiversité locale, favorisant son installation.
L’implantation de cette aire de préservation engendrera des bénéfices majeurs pour la biodiversité en protégeant l’habitat naturel de nombreuses espèces dont le jaguar, l’ocelot et le singe-araignée.
Ocelot photographié sur la zone du projet grâvce à un piège à caméra
Une mission d’audit aussi éprouvante qu’enrichissante
En août 2021, Annette s’est rendue au Mexique pour auditer le projet de Juan-Carlos. Pour cause de sécheresse, due au retard de la saison des pluies, la totalité des 80 000 arbres n’avait pas pu être plantée au cours de la première saison. Ceci a cependant pu être rectifié par la suite. Le trop fort ensoleillement des derniers mois, associé au manque d’eau causé par la déforestation qui sévit dans la région, a abaissé le taux de survie des plantations à 80%.
Dans l’ensemble, cette mission d’audit sur le terrain a été riche en émotions. Annette nous confie que le climat difficile a rendu son voyage « physiquement éprouvant ». À ce titre, elle souligne le courage du couple qui porte le projet à bout de bras dans des conditions éreintantes. « Les contretemps techniques et la rudesse du climat auxquelles ils sont confrontés ne rendent pas leurs activités faciles, mais ils croient en leur projet », insiste-t-elle. Elle termine en rappelant que « si l’environnement du Campeche est devenu hostile, c’est en partie parce que l’homme a bouleversé son équilibre. Le but de Juan-Carlos et de sa femme est de le rétablir. »
Annette en mission d'audit pour Reforest'Action au Mexique
Les populations locales intégrées au projet
L’État de Campeche est un des plus pauvres du pays : 60% de la population y vit sous le seuil de pauvreté. C’est pourquoi l’aspect social est un des piliers du projet.
La mise en place de pratiques de sylvicultures responsables apparaît comme une solution de premier plan pour relever les défis socio-économiques auxquels les communautés doivent faire face. « Concrètement, le projet fournit des emplois aux populations locales et participe à leur subsistance via la vente et l’utilisation directe des co-produits issus des arbres, comme le bois de construction », corrobore Juan-Carlos. La plantation d’arbres bénéficie donc au développement économique des populations.
La transmission du savoir : une étape clé
Il est primordial pour les porteurs du projet d’intégrer les habitants de la région aux activités réalisées sur le ranch. Johanna et son mari accordent une grande importance à l'apprentissage et au développement rural.
En ce sens, Planalto soutient et supervise la création d’une école sur la zone du projet. La vocation de cet établissement accueillant les enfants des travailleurs et des familles voisines est d’enseigner les méthodes durables utilisées pour la restauration des terres, et ainsi transmettre aux plus jeunes les bases d’une agriculture fondée sur la nature.
Les familles associées au projet sont également formées et sensibilisées au cours d’ateliers organisés par notre partenaire. Ce dernier leur apprend, par exemple, à concevoir et entretenir leur propre jardin biologique ou à produire du compost à la maison en utilisant la méthode japonaise Bokashi.
Une des principales difficultés observées sur le projet concerne le recrutement de la main d’œuvre. La concurrence des palmeraies à huile environnantes est cruelle. Dans un contexte d’agriculture intensive, il est très compliqué pour Juan-Carlos de faire accepter sa vision de précurseur à ses voisins, dont les objectifs sont très différents. Au vu du contexte économique local tendu, fidéliser le personnel devient essentiel, tant au travers de formations à grande valeur ajoutée que de moments de célébration et de récompense. Ainsi, tous les employés ont été formés aux premiers secours et aux techniques manuelles permettant d’éviter l’utilisation d’herbicides et de machines motorisées.
La gestion des déchets : l’affaire de tous
Très peu de déchets sont produits sur le projet. Toutes les activités ont été conçues de manière à faciliter leur valorisation par les employés. Les déchets organiques sont dégradés dans un compost et réutilisés dans la pépinière. Pour le reste, les jeunes plants poussent dans des plateaux réutilisables tandis que les sacs plastiques sont conservés et distribués aux employés. Des toilettes sèches sont mises à disposition des travailleurs. Enfin, les cannettes de soda ainsi que les bouteilles en plastique sont interdites sur le projet.
Il convient de préciser qu’il n’y a pas de ramassage public des déchets à cet endroit. Traditionnellement, ils sont brulés à l’air libre ou enterrés. C’est donc une réelle avancée pour les populations que d’observer et de participer à une gestion des déchets respectueuse de l’environnement.
Pour protéger les plants des souris invasives venues d’Afrique, des bouteilles en plastique sont collectées par les communautés locales, puis coupées en deux pour être placées au niveau des troncs des arbres. À l’image des pesticides, l’usage du poison est proscrit.
Les communautés locales intégrées au projet
Selon Juan-Carlos, « l’approche multifonctionnelle du projet en fait toute sa particularité. En accordant le même degré d’importance à la valeur biologique, économique et sociale des actions menées, nous avons réussi à imaginer un concept holistique. »
Afin de satisfaire une telle ambition, l’accompagnement de Reforest’Action est clé. Johanna n’hésite pas à le faire remarquer : « nous sommes très reconnaissants d'être en partenariat avec Reforest'Action, car nous devons affronter de nombreux challenges au quotidien. » La visite d’Annette sur le terrain permet non seulement d’assurer le suivi des différents volets du projet, mais aussi de maintenir un lien fort avec nos parties prenantes.
Pour Johanna, c’est aussi l’opportunité d’exporter le modèle de Planalto en dehors des frontières mexicaines : « grâce à Reforest'Action, nous pouvons toucher davantage de personnes, et leur faire comprendre en quoi consiste notre travail et pourquoi il est si important », renchérit-elle. « Dans le contexte climatique actuel, synonyme de mauvaises nouvelles, les gens doivent savoir que des projets innovants, qui peuvent faire la différence, existent », conclut-elle, les yeux pétillants.
Jeune plant de Palo de Tinto