Le programme AXA Forests for Good, lancé en avril 2022, vise à restaurer des écosystèmes forestiers endommagés tout en les rendant plus résilients face aux risques sanitaires et au changement climatique. Au sein de la forêt de Doncquenay, l’un des six massifs concernés par ce programme de recherche-action, les membres du Consortium piloté par Reforest’Action travaillent ensemble à l’établissement de diagnostics initiaux et à la construction d’itinéraires sylvicoles fondés sur la recherche et l’expérimentation. Au-delà de la restauration à grande échelle de cette forêt touchée par les scolytes, ce projet ambitieux vise ainsi à enrichir les connaissances sur les forêts et à tester des solutions concrètes pour favoriser leur résilience dans le contexte du changement climatique.
Un projet de recherche-action au service de la restauration forestière
Dans l’optique de rechercher des solutions pour préserver la multifonctionnalité des forêts et les adapter au changement climatique et aux risques sanitaires, le programme AXA Forests for Good, initié en avril 2022 pour une durée de trois ans, mêle la recherche et l’action au sein de six massifs forestiers touchés par des attaques de scolytes et répartis sur trois départements français, la Meuse, le Jura et la Nièvre.
AXA Forests for Good : science et expérimentation pour des forêts plus résilientes
Les forêts tempérées sont touchées de façon croissante par des aléas climatiques ou naturels, qui peuvent se combiner. Le risque sanitaire, lié aux champignons pathogènes et aux insectes ravageurs comme les scolytes, représente notamment une part considérable des dommages recensés en forêt française. Lorsqu’elles sont dégradées, les forêts ne fournissent plus leurs services écosystémiques en faveur du bien-être de l’ensemble du vivant. C’est dans ce contexte que le programme AXA Forests for Good allie la recherche scientifique, l’expérimentation et la restauration des écosystèmes au service de plusieurs objectifs :
- étudier l'impact du changement climatique sur la biodiversité forestière ;
- restaurer six massifs appartenant à AXA et touchés par des attaques de scolytes via l’expérimentation de plusieurs options de restauration et la proposition d’itinéraires sylvicoles favorisant la multifonctionnalité et la résilience des forêts restaurées ;
- déterminer les indicateurs permettant de suivre dans le temps l’évolution de la multifonctionnalité des parcelles et apprendre des résultats obtenus ;
- contribuer à une meilleure connaissance de la forêt en partageant les résultats des recherches avec la communauté scientifique, le secteur forestier et le grand public.
Ce programme ambitieux, qui renforce le leadership d'AXA sur les thématiques du climat et de la biodiversité, est conduit par un Consortium d’acteurs, piloté par Reforest’Action et composé d’AgroParisTech, de deux entités de l'Institut National de Recherche pour l'Agriculture, l'alimentation et l'Environnement (INRAE Renfor et Biogeco), de France Nature Environnement (FNE) et de quatre associations locales.
La forêt de Doncquenay, un laboratoire à ciel ouvert
Dans la Meuse, à quelques kilomètres de la frontière belge, le massif de Doncquenay est l’un des six massifs forestiers intégrés dans le programme AXA Forests for Good et constitue un véritable laboratoire à ciel ouvert. Fragilisée par les périodes de sécheresse consécutives entre 2018 et 2021, cette forêt a été endommagée dans son entièreté par des attaques de scolytes. Par mesure sanitaire, les épicéas atteints par les insectes xylophages ont dû être prélevés dans leur intégralité pour éviter leur propagation au sein des forêts voisines. La question s’est alors posée du devenir de cette forêt. Le groupe AXA a décidé de la conserver et d’en faire un lieu de recherche, sur l’ensemble de ses 223 hectares, et de la restaurer de façon à la rendre plus résistante face aux aléas sanitaires et climatiques.
« Ce n’était pas par un claquement de doigts que nous pouvions définir quel peuplement, quelle méthode nous devions choisir et utiliser pour reconstituer cette forêt », témoigne Christophe Lebrun, Directeur des investissements forestiers au sein d’AXA IM Alts. De cette interrogation première est né alors le besoin de penser scientifiquement la restauration de cette forêt, en ayant à l’esprit l’importance de sa multifonctionnalité, et en visant donc à rétablir, de façon holistique, l’ensemble de ses services écosystémiques, dont le stockage du carbone, l’accueil de la biodiversité et la production de bois. « Il n’y a pas de solution évidente », poursuit Christophe Lebrun. « Cela demande une réflexion, un partage des connaissances, et c’est ce que fait, en ce moment, le Consortium du programme AXA Forests for Good, qui réunit notamment l’INRAE, FNE, AgroParisTech, sous l’égide de Reforest’Action. Il est indispensable que la littérature qui deviendra commune par ces efforts de recherche, intègre ainsi les enjeux scientifiques, économiques et environnementaux qui sont intrinsèques à la restauration et à l’adaptation d’une forêt dans le contexte actuel du changement climatique. »
Des diagnostics aux itinéraires sylvicoles : pour une résilience forestière optimale
Aujourd’hui, au sein du massif de Doncquenay qui représente 200 hectares, une phase de pré-régénération naturelle est à l’œuvre sur les parcelles, qui fait apparaître des essences d’arbres dont la résistance au changement climatique est mise en doute. C’est dans ce contexte qu’intervient le Consortium scientifique d’AXA Forests for Good. En réalisant des diagnostics pour approfondir les connaissances du terrain puis en testant différents itinéraires sylvicoles, ces recherches et ces expérimentations permettront, d’une part, d’affiner le choix des essences à replanter pour restaurer la forêt, en prenant en compte leur capacité :
- à croître et se développer correctement à l’aune du changement climatique ;
- à stocker du carbone ;
- à produire du bois dans le futur ;
- et à soutenir la biodiversité faunistique et floristique.
D’autre part, les diagnostics permettront d’assurer la mixité des essences sélectionnées, à l’opposé des monocultures résineuses, dans l’optique de renforcer la résistance du peuplement et son adaptation au changement climatique et aux risques sanitaires.
Diagnostic biodiversité : faire l’inventaire des richesses naturelles à conserver
Dans le cadre d’un projet de restauration forestière comme celui de Doncquenay, un diagnostic biodiversité consiste à faire, en amont de tout type de travaux, le point des zones sensibles qui méritent une attention plus particulière, l’inventaire des richesses naturelles présentes sur site et des éventuels éléments patrimoniaux de l’environnement à conserver.
En avril 2023, Philippe Millarakis, expert forestier de Meuse Nature Environnement, a ainsi quadrillé l’ensemble des 200 hectares du bois de Doncquenay aux côtés de deux autres membres de l’association afin d’identifier les zones qui pourraient être maintenues en l’état, lors des travaux de restauration, en fonction de leur potentialité. Ce diagnostic a permis de révéler la présence de différentes essences patrimoniales qui seront conservées, dont quelques semis de cormiers et des orges des bois, un pied de sureau rouge et des zones à forte présence de buis (essence protégée en Lorraine), ainsi que trois cordons feuillus composés principalement de chênes en mélange avec des essences précieuses, notamment des merisiers et des alisiers.
La réalisation de ce diagnostic a ainsi contribué à alimenter la réflexion autour des itinéraires sylvicoles à conduire pour restaurer le massif de Doncquenay et pour collaborer le plus équitablement possible avec l’environnement. Afin de maintenir les éléments de biodiversité observés sur les parcelles, 10% de la surface totale sera laissée en libre évolution, tandis que 20% fera l’objet de travaux de régénération naturelle assistée pour enrichir et favoriser le développement des essences en place. A titre d’exemple, les cordons feuillus qui traversent le massif, actuellement dégradés par une pleine prise au vent, seront maintenus et accompagnés dans leur évolution. Au sein des 70% restants, soit environ 115 hectares, ce sont des travaux de plantation mélangées et d’essences mixtes qui seront conduits selon des itinéraires sylvicoles définis par le Consortium du programme AXA Forests for Good.
Diagnostic sylvicole : analyser l’état initial des parcelles avant restauration
En complément du diagnostic biodiversité réalisé par Meuse Nature Environnement, un diagnostic sylvicole a été conduit au niveau des 200 hectares de la forêt de Doncquenay par Pierre Hermans, spécialiste en gestion forestière pour Reforest’Action et Laetitia Bernard, chargée de projet Reforest’Action. Concrètement, ce diagnostic sylvicole consiste à dresser un tableau très précis de l’état initial des parcelles avant la mise en œuvre des travaux de restauration, notamment en effectuant des échantillonnages des sols pour étudier leurs caractéristiques pédologiques. « A Doncquenay, on partait vraiment d’une feuille blanche », explique Pierre Hermans. « Il s’agit en effet d’un projet de restauration forestière à grande échelle, de reconstruction des paysages au sein du territoire, qui se doit d’intégrer la multifonctionnalité essentielle à la résilience de cette future forêt restaurée ».
L’objectif de ce diagnostic : analyser la dynamique végétale (essences présentes, stades de développement) au sein des parcelles à un instant T, anticiper leur évolution en l’absence d’actions de restauration, étudier les caractéristiques des sols (structure, profondeur, niveau de calcaire actif) et ainsi réunir un maximum d’informations pour définir ensuite le choix des essences à planter et les itinéraires sylvicoles à adopter pour reconstruire une forêt résiliente et multifonctionnelle. « Dans le cadre du programme AXA Forests for Good, le projet de Doncquenay est un véritable cas d’école, un laboratoire de recherche scientifique qui permettra par la suite d’appliquer ces enseignements à d’autres forêts. » poursuit Pierre Hermans.
L’expérimentation de différents itinéraires sylvicoles au service d’une forêt plus résiliente
A l’issue du diagnostic biodiversité et du diagnostic sylvicole, les informations réunies ont été exploitées par le Consortium pour définir les essences à planter et les itinéraires sylvicoles à mener pour restaurer les parcelles. En prenant en compte les zones laissées en libre évolution (10% de la surface) ou conduites en régénération naturelle assistée (20% de la surface), les 200 hectares du massif de Doncquenay ont été scindés en 3 blocs, eux-mêmes stratifiés en 72 îlots, afin de conduire des expérimentations itératives.
Le choix des essences, étape cruciale de ce processus, s’est fait collégialement au sein du Consortium, avec l’appui, notamment, de Hervé Le Bouler, spécialiste de l’impact du changement climatique sur les forêts en France. Il s’agissait en effet de retenir une liste d’essences compatibles avec la station telle qu’étudiée aujourd’hui et telle que projetée à l’avenir, en retenant un scénario de réchauffement climatique à hauteur de 4 degrés supplémentaires par rapport au climat actuel. Ce choix des essences a été précédé d’une analyse multicritère conduite par Hervé Jactel, directeur de recherche à l’INRAE Biogeco.
Un total de 8 essences a ainsi été retenu (3 essences feuillues : le chêne sessile, l’érable plane et le bouleau – et 5 essences résineuses : le pin noir, le cèdre, le mélèse, le douglas et le sapin de Nordmann) pour reconstituer ces parcelles anciennement peuplées uniquement d’épicéas. Sur le terrain, ce cortège d’essences sera associé en 24 combinaisons différentes répétées trois fois et avec des niveaux de densité différents au sein des 72 îlots. En parallèle, 8 blocs témoins seront plantés de chacune de ces 8 essences en plein. En amont des opérations de plantation, une expérimentation est menée par Catherine Collet, chercheuse en sylviculture à l’INRAE Renfor, au sein d’un bloc dédié d’environ 20 hectares, pour étudier l’impact des différentes méthodes de travaux préparatoires des sols sur la croissance future des plants.
Les plantations seront conduites par la Société forestière de la Caisse des Dépôts d’ici la fin de l’année 2024. Simultanément, la recherche se poursuivra sur les parcelles. Au sein de chaque îlot, les résultats obtenus en termes d’installation et de croissance des plants seront ensuite étudiés et comparés afin de tirer des conclusions quant aux itinéraires sylvicoles appliqués et de définir ceux qui se révèleront être les mieux adaptés – dans l’objectif d’atteindre, à terme, une résilience forestière optimale.
Véritable laboratoire à ciel ouvert, le projet de Doncquenay, dans le cadre du programme AXA Forests for Good, accomplit ainsi pleinement cette ambition de recherche-action au service de la restauration des forêts françaises. Grâce aux expérimentations conduites sur le terrain et la synergie créée entre les acteurs du Consortium, le projet permettra d’enrichir l’état des connaissances actuelles sur les forêts et de diffuser, au sein du secteur forestier français et européen, de nouvelles gestions forestières durables face aux risques sanitaires et au changement climatique, afin d’assurer la transmission d’un patrimoine forestier résilient aux générations futures.