La phase pilote du projet MuLaKiLa au Rwanda a été officiellement lancée le 23 mars 2023 lors d’un événement à Kigali. Ancrée dans le paysage verdoyant de la forêt de Mukura et du Lac Kivu, dans l’ouest du Rwanda, cette initiative de restauration communautaire vise à instaurer des pratiques agricoles durables sur les sols érodés. En intégrant diverses essences d’arbres au sein des cultures des agriculteurs, l’objectif est d’améliorer la résilience des familles face au dérèglement climatique. Pour y parvenir, les communautés locales ont été impliquées et consultées dès le démarrage du projet, et sont d’ores et déjà des parties prenantes clés. Si l’aspect environnemental du projet peut paraître dominant, des bénéfices socio-économiques primordiaux émergeront de cette coopération multi-acteurs.
Le projet, réalisé par l’Albertine Rift Conservation Society (ARCOS) en collaboration avec le gouvernement rwandais et en partenariat avec Reforest'Action, s’inscrit dans le cadre de la Circular Bioeconomy Alliance (CBA). AstraZeneca, entreprise membre de la CBA, a permis le lancement du projet au travers du financement de sa phase pilote.
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Un projet façonné pour et par les communautés
La conception du projet est basée sur des approches participatives. Pour les mener à bien, il est nécessaire de prendre en compte le contexte économique et social dans lequel s’inscrit le Rwanda et ses 13 millions d’habitants. Deuxième pays le plus densément peuplé d’Afrique, plus de la moitié des Rwandais vivent en dessous du seuil international de pauvreté fixé à 2,15 dollars par jour. Au vu d’un tel constat, la valeur environnementale des pratiques agricoles durables ne peut pas se suffire à elle-même pour engager les populations. C’est pourquoi le projet MuLaKiLa fait des problématiques sociales un pilier majeur. L’intégration d’essences agroforestières, natives et fruitières aux cultures, notamment de café et de thé, des exploitants de la région vise avant tout à renforcer leur sécurité alimentaire. En effet, la restauration des terres dégradées par l’érosion permettra de rétablir leur fertilité, aboutissant à une hausse de la productivité. C’est avec des solutions concrètes et solides, qui permettront de sortir la population de sa situation précaire, que le projet sera accepté et compris de toutes les parties prenantes locales.
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Afin de confirmer leur engagement dans le projet et sa mise en œuvre de manière durable, un accord de durabilité a été signé entre les agriculteurs, le porteur de projet ARCOS et les autorités locales.
L’approche inclusive d’ARCOS : BEST
ARCOS possède une solide expérience dans des projets similaires et utilise une approche intégrée qui favorise la collaboration entre les parties prenantes, l'engagement à long terme de la communauté, son autonomisation et sa participation active à l'ensemble du processus. Cette démarche innovante, connue sous l’acronyme "BEST", repose sur quatre piliers. À savoir : (1) la création d'institutions durables, (2) le renforcement de la résilience environnementale, (3) les solutions commerciales durables et (4) la transformation et l'inspiration des autres. Pour assurer la mobilisation de tous les participants au projet, ces derniers recevront une formation sur l'approche "BEST" imaginée par notre partenaire de terrain.
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En outre, ARCOS promeut le principe de "Leave no One Behind (LNOB), ou « ne laisser personne de côté ». Pour respecter cette maxime, l’organisation s’organise via la création de « cellules administratives », unités de transformation et leviers d’action au niveau local. Le projet MuLaKiLa sera implanté au sein de 40 cellules administratives composées d'une dizaine de villages. En pratique, cette vision territoriale permettra de collaborer efficacement, de manière transparente et inclusive, main dans la main avec les communautés.
Des mécanismes de développement mobilisateurs
En parallèle des actions purement agraires, divers mécanismes financiers et autres incitations économiques seront mis en place de façon à augmenter et diversifier les revenus des populations.
Les Friends of Nature Associations (FNAs)
Dans le but de mobiliser, responsabiliser et impliquer les familles d’agriculteurs dans le projet, un réseau de plus de 1 300 groupes communautaires, appelés les "Friends of Nature Association" (FNAs), en français « Associations des Amis de la Nature », sera créé. Chaque FNA sera ensuite intégrée à l’une des 40 cellules administratives.
Au sein de ces micro-sociétés, chacun aura un rôle à jouer, notamment en termes de dissémination du savoir. Par exemple, « l’agent de vulgarisation communautaire » (CEO) bénéficiera d’une formation sur un large éventail de sujets techniques et économiques tels que la gestion des exploitations agricoles, la sylviculture, la mise en œuvre d’un projet carbone ou encore la gestion de l'épargne. Ces connaissances seront ensuite diffusées par l'intermédiaire de « conseillers environnementaux communautaires » (CEA) organisés en binômes composés d'un jeune et d'un agriculteur du même village. Selon la même approche, les CEA formeront également les agriculteurs de l'exploitation à la plantation et à l'entretien des arbres.
D’autres ateliers de formation seront organisés pour développer des compétences additionnelles au sein des communautés, et leur permettre de participer pleinement au projet : horticulture, gestion durable des terres (création de terrasses, non labourage, compostage, etc.), entretien et gestion des pépinières, exploitation durable du bois, etc. De surcroît, des sessions dédiées à la gestion d'entreprises durables seront dispensées pour autonomiser les participants.
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Un réseau de coopératives locales
Dans l’optique d'améliorer et de diversifier les revenus des exploitants, l'assortiment d’essences plantées en agroforesterie tient compte de la demande sur les chaînes d'approvisionnement établies localement, à destination d’une consommation locale ou du marché d'exportation. Pour faciliter l’accès aux marchés régionaux par les groupes communautaires, les agriculteurs indépendants seront encouragés à s’organiser sous la forme de coopératives, ce qui facilitera les échanges avec les entreprises agro-industrielles locales. La gestion des pépinières sera confiée aux coopératives ainsi formées, afin de renforcer leur modèle économique et de garantir la viabilité du projet.
Un fonds communautaire pour la protection de la nature
Des associations villageoises d'épargne et de crédit (VSLA), « Umusave Funds » en kinyarwanda, seront créées dans chaque cellule administrative. Un fonds communautaire renouvelable, c’est-à-dire reconstitué après chaque retrait, sera géré par les communautés elles-mêmes avec l'assistance technique d'ARCOS et des autorités locales. Accessible à chaque VSLA, il s’agit d’un mécanisme d’incitation permettant un accès facilité au financement, vers une croissance agricole durable. Le caractère saisonnier des activités agricoles met les populations en difficulté lors des périodes sans récolte. Dans le but d’atténuer l'impact de la saisonnalité sur la génération de revenus, le fonds communautaire encouragera l’épargne et les investissements productifs, et permettra le développement de micro-projets via l’accord de petits prêts. Assurer la viabilité financière des communautés est la seule façon de garantir leur engagement à long terme.
Instaurer un dialogue de qualité avec les communautés
Bien que l’organisation des communautés et la gestion de leurs revenus soient fondamentales, l’instauration d’un dialogue d’égal à égal constitue le fondement d’une relation saine et équilibrée.
Réalisation de focus groups
Parce qu’il n’est pas question d’arriver avec une solution « prête à l’emploi » et d’imposer une façon de faire aux villageois, des sessions de partage ont été organisées en mars 2023 entre les équipes d’ARCOS, de Reforest’Action et les membres des communautés associées au projet. Par le biais de groupes de réflexion, l’idée était d’apprendre à connaître les communautés, leur de mode de vie, leur façon d’utiliser le paysage, mais aussi de comprendre les défis auxquels elles sont actuellement confrontées. La transcription de l’ensemble des discussions a permis de dresser la liste des besoins et des attentes des communautés, qui seront pris en compte dans le design du projet.
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Mise en place d’un système d’incentive
Pour motiver et récompenser les communautés participantes, la mise en place d’une mécanique d’incentive a été suggérée conjointement par ARCOS et Reforest’Action. En contrepartie de leur engagement en faveur de la durabilité du projet, notamment au travers de l’entretien et du suivi des arbres plantés, les villageois recevront un certain nombre d’avantages en nature : bétail, arbres fruitiers, fours de cuisson, etc. Ces mesures d’incitation sont d’autant plus justifiées qu’elles participeront à l’amélioration des conditions de vie des populations tout en garantissant le bon déroulement du projet sur le long terme.
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Le projet MuLaKiLa est un des plus grands projets de restauration communautaire au Rwanda, porté par un panel de parties prenantes locales et internationales. Fondée sur des valeurs de solidarité, d'équité et d'autonomie, l’action collective promue par cette initiative repose sur la génération d’impacts socio-économiques mesurables, au bénéfice des communautés d’agriculteurs de la province occidentale du pays.
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