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En Côte d’Ivoire, la reforestation est essentielle au soutien de la filière du cacao

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Initié en 2020, le projet financé par Reforest’Action dans les régions de l’Agnéby-Tiassa, de l’Indénié Djuablin et de la Mé, à l’est de la Côte d’Ivoire, est conduit sur le terrain par l’entreprise Agro-Map, en coopération avec le Ministère des Eaux et Forêts. Constitué d’un volet agroforestier au sein des filières de cacao, d’un volet de création de forêts privées et communautaires, et d’un volet de restauration de forêts classées nationales, ce projet vient directement en appui aux programmes de reforestation impulsés par le gouvernement ivoirien dans l’objectif de restaurer 20% du couvert forestier ivoirien d’ici 2030. Trois années de mise en œuvre sur le terrain ont déjà permis la plantation de plus de 920 000 arbres de 14 essences différentes, dans l’objectif de régénérer durablement les écosystèmes forestiers et de contribuer à la transformation de la filière du cacao.

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L’impact de la dégradation forestière sur la santé de la culture cacaoyère

 

En Côte d’Ivoire, 92% des forêts primaires ont disparu en un demi-siècle

Depuis le siècle dernier, la Côte d’Ivoire a connu une dégradation accélérée de ses forêts. En cause, l’exploitation forestière et minière, l’urbanisation et l’agriculture extensive sur brûlis, qui ont gagné du terrain sur les forêts naturelles ivoiriennes. Depuis l’indépendance du pays en 1961, la Côte d’Ivoire a perdu 92% de ses forêts primaires, induisant une érosion de la biodiversité végétale et animale à grande échelle et des changements climatiques au niveau régional et global. Aujourd’hui, les forêts occupent 9,2% du territoire national, contre environ 45% il y a soixante ans. Avec l’amoindrissement de la pluviométrie et l’apparition de périodes de sécheresse de plus en plus longues, les récoltes des communautés locales s’amenuisent et leur sécurité alimentaire et économique est compromise. C’est tout l’équilibre écologique du pays qui s’en trouve menacé, ainsi que son équilibre économique et social.  

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Îlots dégradés au sein de la forêt classée de Rasso, dans la zone du projet Reforest’Action  

La filière du cacao est fragilisée par le changement climatique induit par la déforestation

La filière du cacao, notamment, est fortement fragilisée par la dégradation des conditions hydro-climatiques. La Côte d’Ivoire est aujourd’hui le premier producteur mondial de cacao (2,2 millions de tonnes en 2022), devant le Ghana (750 000 tonnes) et l'Equateur (370 000 tonnes). Le cacao représente 40% de ses exportations, 14% de son PIB et fournit des revenus à 20% de sa population. Mais la filière, qui compte aujourd’hui un million de producteurs en Côte d’Ivoire, est confrontée à la question de la survie même des plantations cacaoyères d’ici 2050. Pendant des années, les producteurs de cacao ivoiriens ont privilégié l'extension de parcelles cacaoyères conduites en monoculture au détriment des forêts. Aujourd’hui, si la majorité des cultures cacaoyères sont issues de la déforestation, c’est-à-dire que les parcelles ont été installées en lieu et place de forêts, elles ont pourtant besoin d’un couvert forestier pour obtenir le meilleur compromis possible entre le rendement des cultures et leur longévité, notamment grâce à l’ombrage et l’humidité que prodiguent les arbres aux cacaoyers sous-jacents. Mais une autre menace pèse sur la cacaoculture : la décroissance structurelle du rendement des cacaoyers causée par l’appauvrissement des sols au sein de parcelles conduites en monoculture, sans prise en compte des bonnes pratiques agricoles. Dès lors, comment pérenniser cette filière vitale pour le pays et la faire évoluer vers des modes de production plus durables dans l’optique d’un cacao zéro déforestation ?  

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Cabosse de cacao verte, qui deviendra orange à maturité  

Un projet régénératif pour contribuer à la sauvegarde de la filière du cacao ivoirien

Le projet financé par Reforest’Action depuis 2020 prend en charge le double objectif de contribuer à la fois à la régénération du couvert forestier ivoirien, et au développement de l’agroforesterie au sein des champs de cacao – deux volets d’action essentiels pour sauvegarder et valoriser la chaîne d’approvisionnement en cacao ivoirien sur le long terme. Avec le soutien du ministère des Eaux et Forêts, le projet est mis en œuvre sur le terrain par l’entreprise ivoirienne Agro-Map, qui a reçu, en septembre 2023, le prix de l’excellence décerné par le gouvernement ivoirien au titre de meilleur acteur du reboisement de Côte d’Ivoire.  

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Femme participant à la production des plants en pépinière  

Briser le lien entre déforestation et production de cacao

 

Objectif national : 6 millions d’hectares forestiers restaurés d’ici 2030

En Côte d’Ivoire, l’urgence est à la restauration des forêts dégradées et à la régénération des forêts disparues du fait, notamment, de la production de cacao. Depuis 2018, le gouvernement ivoirien s’est doté d’une nouvelle politique forestière qui vise à recouvrer 6 millions d’hectares de forêts d’ici 2030, ce qui implique de doubler le couvert forestier du pays de 9,2% à environ 20%. Notre projet contribue directement à cet objectif ambitieux, d’une part, en participant à restaurer des forêts classées dégradées, et d’autre part, en appuyant les producteurs de cacao dans la création de forêts communautaires et privées. De cette manière, les producteurs de cacao prennent directement part à la reforestation et à la préservation des forêts, et contribuent à briser le lien entre leur filière et la déforestation.  

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Pépinière de framiré, une essence native plantée dans le cadre du projet  

La restauration d’îlots dégradés pour assurer la continuité des forêts classées

Gérées durablement par la Société de Développement des Forêts (SODEFOR), une société d’État placée sous la tutelle du ministère des Eaux et Forêts de Côte d’Ivoire, les forêts classées ivoiriennes sont aujourd’hui protégées contre la coupe des arbres. Elles contiennent encore toutefois des îlots fortement dégradés par des actions anciennes de déforestation. Afin d’œuvrer à leur restauration, notre partenaire Agro-Map, en lien avec les Eaux et Forêts, attribue des parcelles dégradées aux villageois au sein de ces forêts. Ils sont alors incités à y cultiver des plantes vivrières, telles que le piment ou le manioc, à condition d’y combiner, en parallèle, la plantation d’arbres forestiers et fruitiers. L’association de ces cultures vivrières à cycle court à la plantation d’arbres forestiers permet en effet de maintenir l’intérêt des villageois dans l’entretien de ces parcelles, et de garantir ainsi la croissance des arbres dans des conditions optimales. Depuis le lancement du projet en 2020, 142 876 arbres ont été plantés au sein des forêts classées de Séguié, Rasso et Béki. D’essences forestières variées (Framiré, Fraké, Acajou, Cedrela, Teck…), ils contribueront à assurer la continuité écologique de ces forêts et à reconstituer des écosystèmes forestiers denses, stables et pérennes.  

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Jeunes villageois locaux participant à l’entretien des parcelles forestières restaurées  

La création de nouvelles forêts pour augmenter le couvert forestier

En parallèle, de nouvelles forêts sont plantées par les communautés locales. Créées sur des terres appartenant aux producteurs ou des parcelles communautaires, elles auront un usage alimentaire grâce aux arbres fruitiers comme l’Akpi et le Kplé, et permettront aux communautés de commercialiser des produits forestiers non ligneux comme les graines. Certaines essences seront utilisées dans le cadre médicinal, à l’image du Fraké et du Tiama. D’autres serviront également, sur le long terme, à la production de bois d’œuvre et de bois de chauffe via l’exploitation du Fraké, du Framiré, du Teck, du Niangon ou encore du Tiama. Près de 306 500 arbres ont contribué à créer ces forêts depuis 2020. En bordure des villages, environ 20 000 arbres supplémentaires ont été plantés au cours de ces trois années à la demande des autorités locales et des communautés, afin de marquer des limites territoriales et contribuer à une meilleure entente au sein des communautés.   

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Forêt communautaire créée dans le cadre du projet  

Vers une transformation de la filière du cacao ivoirien

 

L’agroforesterie au service d’une culture cacaoyère plus durable

Dans l’optique de contribuer à l’extension du couvert forestier national, la filière du cacao peut elle-même participer à la réintroduction des arbres à l’échelle des paysages grâce à l’agroforesterie. Cette solution durable, qui permet de concilier arbres et cultures cacaoyères sans dégrader davantage les forêts alentours, présente également l’avantage d’offrir des impacts positifs pour la chaîne d’approvisionnement du cacao elle-même.

  • Micro-climat. En introduisant des arbres d’essences forestières et fruitières au sein des parcelles cacaoyères, l’agroforesterie vise à créer un microclimat bénéfique à la productivité des cacaoyers. Les arbres plantés au sein des parcelles permettent d’augmenter l’humidité au sein de celles-ci et de limiter l’impact des sécheresses sur les cultures en prodiguant de l’ombrage aux cacaoyers, ce qui limite leur évapotranspiration et rafraîchit l’air ambiant.
  • Régulation des bioagresseurs. L’ombrage prodigué par les arbres agroforestiers, lorsqu’il est correctement modulé, permet de réguler les bioagresseurs du cacaoyer, tels que la pourriture brune des cabosses due à un champignon (favorisé par un ombrage trop dense), et les mirides, insectes qui provoquent le dépérissement des cacaoyers (qui pullulent lorsque l’ombrage est absent ou trop léger). D’après le CIRAD, les cultivateurs parviennent ainsi à réduire l’apport de pesticides et à économiser jusqu’à 70%  du  budget  de  protection  phytosanitaire  d’une  parcelle conduite de façon intensive.
  • Disponibilité de l’eau. L’ombrage agroforestier permet également de protéger le sol de l’ensoleillement et de maintenir sa fraîcheur et son humidité, ce qui améliore l’infiltration de l’eau des pluies et la capacité des cacaoyers à puiser de l’eau dans les sols.
  • Santé des sols. La démarche améliore la santé des sols dégradés par des décennies de monoculture. En favorisant l’humidité de la litière au sein de la cacaoyère et en apportant de la matière organique au sol, les arbres d’ombrage agroforestiers peuvent agir comme des réservoirs de champignons. La présence de ces arbres peut ainsi influer sur la quantité et la diversité des mycorhizes présentes dans le sol et au sein du système racinaire de surface des cacaoyers. Ces mycorhizes ont un rôle clé dans l’alimentation et la santé des cacaoyers cultivés et leur résistance aux aléas climatiques, parce qu’elles permettent une meilleure assimilation du phosphore et des nutriments par les cacaoyers.
  • Fixation de l’azote. Parmi les arbres plantés en agroforesterie, une essence fixatrice d’azote atmosphérique, l’Acacia mangium, est notamment utilisée pour accroître la fertilité du sol. Ses racines ont en effet la capacité de former une symbiose avec les bactéries (Rhizobium) présentes dans les sols, qui fixent l’azote atmosphérique et le transforment en substance azotée assimilable par les cacaoyers.  Ce phénomène naturel réduit ainsi les besoins en engrais azotés chimiques.
  • Stockage de carbone. Le carbone capté par les arbres agroforestiers et stocké dans leur biomasse aérienne et souterraine (feuilles, tronc, racines, branches), est ensuite restitué au sol par la chute de feuilles et de bois morts, et permet d’enrichir l’humus en matière organique.
  • Biodiversité. Les arbres agroforestiers permettent enfin de réhabiliter la biodiversité en constituant des abris pour une faune diversifiée et indispensable à la culture cacaoyère grâce à ses différentes fonctions, telles que la pollinisation.

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Valérie, Project Officer pour Reforest’Action, aux côtés d’arbres plantés au sein de champs de cacao (gmelina à gauche, tiama à droite)  
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Au sein des parcelles agroforestières, la biodiversité rend de multiples services écosystémiques

En trois ans de déploiement du projet, environ 450 000 arbres ont été plantés en agroforesterie au sein des champs de près de 4000 producteurs de cacao. Parmi les essences plantées, des arbres forestiers à croissance lente, comme le Tiama, et le Niangon, et des arbres forestiers à croissance rapide, tels que le Fraké, le Framiré, le Gmelina, l’Ilomba, le Cedrela, l’Acajou, et l’Acacia, permettront, grâce à leur couvert végétal, d’abriter les cacaoyers sous-jacents et de fournir du bois issu des branches tombées au sol. Des arbres fruitiers comme le Kplé, l’Akpi et le Petit Cola produiront quant à eux des fruits pour l’alimentation des familles des producteurs ou la vente sur les marchés.  

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Un producteur de cacao aux côtés d’un arbre planté dans son champ de cacao  
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Vue aérienne d’un champ de cacao cultivé en agroforesterie à Adomokro  

L’engagement des producteurs, facteur clé de la réussite du projet

Volet clé du projet, la sensibilisation des villageois, des producteurs de cacao et des responsables des coopératives de cacao locales, a été conduite par notre partenaire technique Agro-Map au cours des trois dernières années et a suscité l’adhésion de plus de 9000 personnes. Au travers d’ateliers de sensibilisation, de groupes d’animation et de rencontres avec les autorités locales au sein des villages impliqués dans le projet, les producteurs et leurs familles ont été formés aux techniques agroforestières et à l’entretien des arbres plantés, ainsi qu’à l’importance de préserver les écosystèmes forestiers environnants, notamment face aux feux de forêts fréquents. Ces différentes actions ont permis de faire largement connaître le projet dans les régions de l’Agnéby-Tiassa, de l’Indénié Djuablin et de la Mé, et de garantir l’implication des communautés locales au sein de celui-ci. Aller à la rencontre des femmes et des hommes sur le terrain a aussi permis à Agro-Map d’identifier de nouveaux sites à reboiser ou sur lesquels développer des agro-forêts, et de continuer ainsi à développer le projet et ses nombreux bénéfices.  

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Un producteur de cacao aux côtés d’une cabosse de cacao arrivée à maturité  

Des services écosystémiques au profit des communautés locales

Au-delà de son fort impact environnemental et de sa contribution à transformer la filière du cacao, le projet permet de générer également des bénéfices précieux sur le plan socio-économique. Lors d’un audit conduit par Reforest’Action en septembre 2022, les communautés locales impliquées ont d’ores et déjà témoigné des multiples bénéfices produits par le projet sur leurs conditions de vie. L’ensemble du projet a contribué à générer de l’emploi, notamment auprès de la jeune génération, et à améliorer les revenus des communautés en associant les villageois aux activités de production de plants en pépinières, de plantation et d’entretien des arbres. Les communautés de femmes se sont notamment engagées de façon massive dans le projet, ce qui leur a permis de renforcer leurs capacités techniques et leur autonomie.  L’agroforesterie contribuera également à la sécurité alimentaire des producteurs de cacao et de leurs familles, ainsi qu’à la diversification de leurs revenus grâce à la vente des graines et des fruits issus des arbres agroforestiers lorsqu’ils seront suffisamment matures pour en produire. Les essences forestières à croissance rapide pourront quant à elle fournir aux communautés du bois issu de leurs branches tombées au sol. Autant de bénéfices qui contribuent à rendre la filière cacaoyère locale plus durable et plus redistributive, tout en participant à la restauration des forêts qui en ont pâti pendant des décennies.  

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Création d’emplois, renforcement des capacités techniques, production de fruits… Le projet vise à fournir de nombreux bénéfices socio-économiques aux communautés locales.

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