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Les espèces spectrales : une méthode innovante pour étudier la biodiversité végétale depuis l’espace

Décryptages

Pour améliorer le suivi des projets de restauration forestière, la télédétection peut fournir des indicateurs complémentaires et soutenir les enquêtes sur le terrain. En permettant de surveiller la diversité des canopées, la répartition spatiale des espèces végétales et l’évolution des forêts au cours du temps, la méthode des espèces spectrales et ses outils associés développés par Reforest’Action sont précieux dans le cadre de projets de gestion et de restauration des forêts. Ils visent à permettre aux gestionnaires forestiers de faire évoluer leurs pratiques afin d’optimiser la diversité des essences, ainsi que la stabilité et la résilience de l’écosystème forestier dans son ensemble.

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La télédétection appliquée à l’étude de la végétation

 

Analyser les écosystèmes terrestres depuis l’espace

La télédétection spatiale permet d'observer les milieux terrestres en s'appuyant sur des méthodes d'acquisition de l'information à distance, qui se fondent sur les propriétés du rayonnement électromagnétique. Les capteurs satellitaires permettent en effet de mesurer la quantité d'énergie (réfléctance) réfléchie ou émise par une surface en fonction de la longueur d'onde du spectre électromagnétique, et d'analyser et suivre l'évolution de cette surface au cours du temps. L’ensemble des réflectances enregistrées dans chacune des bandes spectrales (bleu, vert, rouge, infrarouge…) forme la « signature spectrale » de l’objet. Chaque surface possède ainsi une signature spectrale qui lui est propre, et qui permet son identification sur les images satellitaires.  

Définir la signature spectrale des espèces végétales

A ce titre, la télédétection permet d’établir la signature spectrale des végétaux en analysant leurs propriétés optiques dans les domaines du visible, du proche infrarouge et de l’infrarouge moyen. Ces propriétés dépendent en particulier de la structure cellulaire de la végétation ainsi que de sa teneur en eau et en pigments.

  • La structure cellulaire. La structure anatomique des feuilles joue un rôle prégnant dans la signature spectrale de la végétation dans les plus grandes longueurs d'onde. Le rayonnement proche infrarouge traverse ainsi la feuille jusqu'à la couche cellulaire, lieu d'échange entre l'oxygène et le dioxyde de carbone dans les processus de la photosynthèse et de la respiration. C'est au niveau de cette couche que le rayonnement proche infrarouge est fortement réfléchi. Il dépend donc directement de l’anatomie des feuilles.
  • La teneur en eau. La teneur en eau des feuilles est également un facteur qui influence la signature spectrale de la végétation dans les longueurs d'onde de l'infrarouge moyen. Plus la teneur en eau est forte, plus la réflectance de la végétation diminue. Ce domaine de longueur d'onde est notamment utilisé, en télédétection, pour repérer les couverts végétaux en état de stress hydrique.
  • La teneur en pigments foliaires. Tous les végétaux renferment des pigments verts (chlorophylle), orangés (carotènes) et bleu-rouge (anthocyanes). La présence de ces pigments foliaires (et notamment chlorophylliens, qui sont les plus abondants) dans les végétaux est responsable de la forte absorption du rayonnement visible qui leur parvient.

Ces trois éléments varient en fonction des saisons, des espèces végétales et de leur cycle de vie. Autrement dit, la signature spectrale de la végétation n'est pas constante. Elle est le reflet des différences dans la structure et dans les caractéristiques des couverts végétaux.

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La méthode des espèces spectrales

De la signature spectrale aux espèces spectrales : identifier la distribution spatiale des espèces végétales

A l’échelle d’une parcelle forestière, la télédétection permet de relever différentes signatures spectrales, qui peuvent être distinguées et attribuées à des espèces végétales distinctes, regroupées sous des catégories nommées « espèces spectrales ».

« Via des plateformes en opensource, comme la plateforme PEPS du CNES, nous avons accès aux données satellitaires de Copernicus, qui sont revisitées tous les cinq jours environ. Nous pouvons ainsi télécharger la vue satellite actuelle d’une parcelle au sein de l’un de nos projets en saisissant ses coordonnées GPS, également appelées polygones », explique Richard Sourbès, chargé d’impact pour Reforest’Action. « Nous traitons ensuite cette donnée grâce au langage de programmation Python, via un code qui a été développé en interne. Sur la vue satellite, chaque pixel représente une surface qui émet une énergie dans 12 bandes spectrales. Ces réflectances dans chacune des bandes spectrales sont récupérées par notre logiciel. Elles composent la signature spectrale de la surface forestière analysée. Nous cherchons alors à classer chacun des pixels au sein de groupes appelés espèces spectrales en fonction de la similarité de leurs signatures, et nous obtenons ainsi une estimation du nombre d'espèces différentes présentes dans la canopée. »

Cette méthode permet ainsi d’obtenir une cartographie de la distribution spatiale des espèces spectrales observées au sein de la forêt. La carte se présente sous la forme d’une vue satellite de la parcelle, où chaque couleur de pixel correspond à une espèce spectrale.

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De la distribution spatiale des espèces à l’indice de leur diversité : étudier la biodiversité végétale

Ce premier outil peut alors être utilisé pour calculer des indices de diversité, et notamment l’indice de Shannon. L'indice de Shannon est l'indice de diversité le plus couramment utilisé en écologie. Il permet de calculer la richesse spécifique et la distribution des espèces au sein de la forêt. Autrement dit, plus les espèces végétales sont nombreuses et réparties de façon homogène, plus l’indice est élevé.

Reforest’Action utilise l’indice Shannon pour connaître la diversité spécifique des espèces spectrales, qui est un indicateur de la diversité biologique (taxonomique) des espèces de la canopée. Cette diversité végétale est représentée sous la forme d’une carte de chaleur, qui localise, en couleur chaude, les foyers de forte diversité végétale, et en couleur froide, les foyers de faible diversité végétale. Il est possible alors de suivre l'évolution de cette biodiversité tout au long de la croissance de la forêt.

« Concrètement, le peuplement forestier est redécoupé en cellules d’environ 1000 m2, dans lesquelles est calculée l’abondance de chacune des espèces spectrales présentes », détaille Richard Sourbès. « Autrement dit, l’indice de Shannon est calculé par un simple changement d’échelle : en passant d’un pixel de 10x10 m à un pixel de 33x33m, on obtient des zones qui contiennent une diversité plus ou moins grande d’espèces spectrales, et qui nous permettent de connaître les zones les plus diversifiées de la parcelle étudiée. Au sein d’une cellule, plus les espèces spectrales sont nombreuses et réparties de façon homogène, plus l’indice de Shannon est fort.  Inversement, une cellule contenant une seule espèce spectrale aura un indice de Shannon égal à zéro, représentant une diversité d’espèces nulle. »

Cette cartographie est particulièrement clé : elle permet de piloter les missions de suivi sur le terrain en les rendant plus efficaces, notamment en ciblant des zones d’échantillonnage adaptées aux résultats du suivi distant, et en permettant la formulation de recommandations de gestion plus précises. L’outil est également complémentaire aux relevés de terrain, qui ne peuvent pas être réalisés sur l’entièreté des peuplements forestiers, car ceux-ci s’étendent parfois sur plusieurs dizaines voire centaines d’hectares. 

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Des outils précieux pour monitorer les projets de restauration

En permettant de suivre la diversité des canopées, la répartition spatiale des espèces végétales et l’évolution des forêts au cours du temps, la méthode des espèces spectrales et ses outils associés (carte des espèces spectrales, indice de Shannon) sont précieux dans le cadre de projets de gestion et de restauration des forêts.

Parce que les données obtenues sont géoréférencées, elles sont particulièrement efficaces pour localiser de potentielles espèces invasives qui menaceraient la stabilité de l’écosystème forestier, ou un manque de diversité des essences à l’échelle d’un peuplement. Elles permettent de délivrer un diagnostic initial de la biodiversité végétale de la canopée à l’échelle d’une forêt, de mieux comprendre les facteurs écologiques et environnementaux qui favorisent ou défavorisent la biodiversité végétale, d’établir de bonnes pratiques qui conduisent à une diversité élevée, ou de prendre des mesures correctives dans le cas inverse. 

Les gestionnaires forestiers peuvent ainsi s’appuyer sur ces données pour faire évoluer leurs pratiques de gestion afin d’optimiser la diversité des essences, ainsi que la stabilité et la résilience de l’écosystème forestier dans son ensemble.

A moyen terme, l’objectif est d’être en mesure de calculer l’indice de Shannon sur l’ensemble de nos projets afin de surveiller la diversité des essences représentées sur les parcelles forestières qui ont été restaurées. Cet indice nous permettra ainsi de mesurer l’impact généré par nos projets en termes de restauration de la biodiversité végétale et viendra s’ajouter à un panel d’outils de mesure d’impact en cours de développement par le Pôle Innovation & Impact de Reforest’Action.

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