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Kuzuko : la certification carbone au service de la restauration du vivant

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Enregistré sous la certification VCS, le projet de Kuzuko, en Afrique du Sud, se déploie au sein d’une réserve naturelle qui a sanctuarisé d’anciens pâturages dégradés pour permettre le retour de la biodiversité que le paysage a connu pendant des milliers d’années. Fruits des expertises complémentaires d’AfriCarbon et Reforest’Action, le projet vise à restaurer 5185 hectares de fourrés de Portulacaria afra, une essence endémique connue sous le nom local de spekboom, pour contribuer à rétablir l’habitat végétal originel de cette extraordinaire faune autochtone. Au-delà de l’action climatique liée à la séquestration du carbone, il sera ainsi source d’un vaste panel de bénéfices environnementaux et socio-économiques qui seront étroitement suivis, tout au long de la vie du projet, au sein d’un véritable laboratoire à ciel ouvert au service de la restauration du vivant dans son ensemble.

La genèse d’un projet d’envergure

Les origines de l’engagement de Reforest’Action en Afrique du Sud

L’engagement de Reforest’Action en Afrique du Sud remonte à 2020. Dans l’objectif de contribuer à la restauration des fourrés d’Albany, un partenariat durable est noué, cette année-là, avec l’entreprise sud-africaine AfriCarbon, riche de vingt ans de recherches et d’expérimentations appliquées à ces écosystèmes uniques au monde. En résulte alors le déploiement d’un projet liminaire de 200 hectares au sein de la province du Cap-Oriental.

Forts d’une confiance mutuelle acquise au cours de la conduite de ce premier projet commun, Reforest’Action et AfriCarbon décident, au printemps 2022, de porter leur ambition à plus grande échelle. Parce que les besoins en financement sont colossaux pour progresser vers l’objectif de restaurer l’entièreté des fourrés dégradés dans la région, c’est vers le marché carbone volontaire que se tournent alors les deux structures.

Dans le cadre du projet Kuzuko, qui vise à reconstituer 5185 hectares de fourrés de spekboom au sein d’une réserve naturelle protégée, un PDD (document descriptif de la planification d’un projet carbone et de sa conformité aux exigences de la certification) avait déjà été rédigé en 2014 pour être déposé auprès du standard international VCS par Anthony Mills, fondateur d’AfriCarbon. Mais l’état latent du marché carbone volontaire au cours de la dernière décennie n’avait pas permis au projet Kuzuko de trouver des financeurs.

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Anthony Mills (AfriCarbon) devant un large plant de spekboom à Kuzuko

La synergie entre deux expertises complémentaires

En tant que partenaire financier, Reforest’Action rejoint alors le processus de certification carbone du projet Kuzuko et apporte son expertise dans l’élaboration et la supervision du business plan pour garantir l’intégrité financière du projet et obtenir les investissements nécessaires au lancement des opérations de restauration.

En soutien à AfriCarbon, Reforest’Action participe également à la finalisation des protocoles de mesure de la séquestration carbone permise par le projet, ainsi qu’à la projection de ses impacts environnementaux et socio-économiques au-delà de la seule action climatique. En parallèle, la mise en place d’un processus rigoureux de suivi et de reporting pour vérifier – et ajuster, si nécessaire – ces différents paramètres, permet de garantir leur conformité avec les normes de certification du standard VCS.

Sur le terrain, les scientifiques de l’équipe d’AfriCarbon implémentent le design du projet qu’ils ont conçu en s’appuyant sur leur expertise en matière de botanique et de sciences des sols. Ils coordonnent l’ensemble des opérations techniques, appliquent le processus de monitoring de la croissance des arbres et des impacts générés, et assurent le contrôle et l’assurance qualité des données collectées.

L’alliance des domaines d’expertise complémentaires de Reforest’Action et AfriCarbon fait ainsi de Kuzuko un projet particulièrement robuste et ambitieux au service de la restauration des écosystèmes.

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Robbert Duker (AfriCarbon) et Quentin Guyon (Reforest’Action) au sein de l’une des pépinières du projet

Un projet de restauration pour reconstituer les fourrés de spekboom

Un projet conçu autour de la double certification VCS et CCB

Le projet Kuzuko est désormais enregistré sous la certification VCS (Verified Carbon Standard), l’un des standards internationaux de contribution à la neutralité globale liée au marché carbone volontaire les plus utilisés au monde. Ce standard, géré par Verra, une organisation à but non lucratif, garantit que les tonnes équivalent CO2 séquestrées grâce au déploiement du projet répondent à certains critères de qualité.

Au sein du registre de Verra, Kuzuko correspond à la typologie ARR (Afforestation, Reforestation & Revegetation), attribuée aux projets permettant de développer les puits de carbone forestiers par la restauration du couvert végétal. En favorisant la séquestration du carbone, le projet contribue ainsi à l’atteinte de la neutralité carbone au niveau planétaire. Le projet sera audité tous les quatre ans pendant trente ans par le Validation & Verification Body, une organisation agréée par Verra qui fournit des services de validation et de vérification conformément aux règles du standard VCS. Chaque vérification permettra la génération de crédits carbone certifiés, correspondant à la quantité de carbone réellement séquestrée par les arbres plantés dans le cadre du projet. Le projet Kuzuko est également en voie de certification auprès du standard CCB (Climate, Community & Biodiversity) géré par Verra. Ce standard atteste que le projet génère des impacts positifs sur le climat et intègre les meilleures pratiques en termes d’engagement communautaire et de préservation de la biodiversité. La double certification VCS et CCB permet ainsi de garantir la qualité des crédits carbone générés dans le cadre du projet, tout en assurant des bénéfices complémentaires qui vont plus loin que les mesures d’atténuation carbone.

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Un projet ancré dans un sanctuaire de biodiversité

Située à 150 kilomètres de Port Elizabeth, dans la province du Cap-Oriental en Afrique du Sud, la réserve de Kuzuko a été fondée en 2002 par la sanctuarisation des terres dégradées de dix-huit anciennes propriétés fermières, qui pratiquaient l’élevage intensif de chèvres. Grâce aux actions de réensauvagement conduites jusqu’à l’inauguration de la réserve en 2008 à des fins d’écotourisme fondé sur la nature, ces anciens pâturages dégradés se sont métamorphosés en un véritable réservoir de biodiversité animale, qui accueille aujourd’hui, sur 15 000 hectares, des espèces emblématiques de la faune autochtone d’Afrique du Sud, parmi lesquelles des éléphants et des rhinocéros, des zèbres du Cap et des grands koudous, des lions et des guépards.

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Sur le plan de la biodiversité végétale, le retrait des chèvres et le respect de la capacité de charge de l’écosystème pendant deux décennies n’ont cependant pas suffi à la régénération de la végétation autochtone des fourrés arides d’Albany, originellement dominés – jusqu’à 80% de leur végétation – par une espèce succulente, Portulacaria afra. Cet arbre endémique d’Afrique australe, connu sous le nom local de spekboom, est une essence pionnière essentielle au développement et au maintien d’un cortège végétal diversifié.

« Nos recherches ont permis d’établir qu’un tiers de la superficie couverte de nos jours par la réserve de Kuzuko était dominé il y a deux siècles par des fourrés de spekboom, ce qui représente plus de 5000 hectares », indique Anthony Mills, Docteur en sciences des sols et fondateur d’AfriCarbon. « Aujourd’hui, la réserve de Kuzuko a permis le retour de la faune que ce paysage a connu pendant des milliers d’années, mais l’état actuel de la végétation n’est pas adapté à leurs besoins. Là est tout le sens du projet de restauration que Reforest’Action et AfriCarbon conduisent à Kuzuko : rétablir l’habitat originel de cette extraordinaire faune autochtone et contribuer, à l’échelle de 5185 hectares, à la reconstitution du biome des fourrés arides d’Albany. »

Vingt ans de recherches scientifiques ont prouvé que le spekboom avait un rôle central à jouer dans cette restauration par sa capacité à agir sur la santé des sols et le cycle de l’eau, et à instaurer le microclimat nécessaire à la résurgence d’une riche biodiversité végétale. Cette essence ingénieure, dotée d’une adaptation physiologique hors du commun, est ainsi placée au cœur du design du projet Kuzuko.

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Un projet fondé sur la science et la technique

Sur le terrain, les opérations sont pilotées par Robbert Duker, Docteur en physiologie environnementale des plantes et Chef des opérations d’AfriCarbon, et son équipe installée à temps plein au sein même de la réserve de Kuzuko.

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Robbert Duker (AfriCarbon) au sein de l’une des pépinières du projet

L’identification des zones à restaurer au sein de la réserve, constituées aujourd’hui de fourrés modérément ou sévèrement dégradés, a permis à AfriCarbon de diviser, par le biais d’une cartographie rigoureuse, les 5185 hectares concernés en 1730 parcelles, définissant dès lors un plan à suivre dans le cadre des opérations de plantation.

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Afin de produire les 25,9 millions de plants nécessaires à la restauration des 5185 hectares de fourrés dégradés, trois pépinières ont été installées. Issues de vestiges intacts de fourrés de spekboom, les boutures sont élevées au sein de ces pépinières qui leur confèrent les conditions optimales à leur croissance. Lorsque les plants sont suffisamment matures, ils sont transportés jusqu’aux parcelles pour être plantés.

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Récolte de boutures de spekboom à Kuzuko

Aujourd’hui, le projet Kuzuko emploie environ 300 personnes qui sont logées et nourries tout au long de la semaine de travail dans des infrastructures construites à cet effet. Les plantations, qui ont commencé en septembre 2022, s’achèveront fin décembre 2023. Environ six mois après la plantation, un premier monitoring est conduit par AfriCarbon pour vérifier la bonne santé des arbres et organiser, si nécessaire, des travaux d’entretien. Celui-ci sera ensuite répété une fois par an.

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Le suivi des indicateurs d’impact, témoins de la plus-value du projet

Climat : mesurer la séquestration du carbone sur le long terme

Dans le cadre d’un projet carbone comme celui de Kuzuko, le suivi de la séquestration carbone tout au long de la vie du projet est un aspect central. Un scénario de projet est ainsi défini et comparé à un scénario de référence, qui détermine la quantité de carbone qui aurait été séquestrée en l’absence de déploiement du projet. La comparaison entre le scénario de référence et le scénario de projet permet alors d’estimer la séquestration additionnelle réellement permise par le projet.

Les remarquables capacités du spekboom à fixer rapidement le CO2 – et donc à l’éliminer de l’atmosphère – font de cet arbre un atout pour atténuer le changement climatique à l’échelle globale. La restauration des fourrés de spekboom permet ainsi d’accroître la capacité de stockage du carbone dans la biomasse aérienne et souterraine (ensemble de la matière végétale organique) mais aussi dans le sol.

Étayé par des années de recherches et d’expérimentations appliquées aux fourrés de spekboom, l’objectif de séquestration carbone du projet Kuzuko est de 1,7 million de tonnes équivalent CO2 sur la période de crédit de 30 ans. Afin de représenter les risques de non-permanence du projet, cet objectif tient compte d’un rabais (buffer) de 20% qui réduit la valeur finale de séquestration de tonnes équivalent CO2. Ce stockage de carbone estimé sera mesuré au réel tous les quatre ans par des relevés effectués sur le terrain, et vérifié par un audit conduit par le standard VCS.

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William Gummow (AfriCarbon) en train de prélever des échantillons pour la mesure du carbone organique des sols

Sols, biodiversité, communautés : trois piliers au cœur du projet

La construction d’un scénario de référence et d’un scénario de projet s’applique aussi à d’autres indicateurs d’impact qui seront suivis scrupuleusement à travers un plan de monitoring défini par AfriCarbon en lien avec Reforest’Action. « Lorsqu'il s'agit de mesurer l'impact du projet, nous ne nous limitons pas au suivi de la séquestration carbone », détaille Quentin Guyon, Project Manager en charge du développement du projet Kuzuko pour Reforest’Action. « Nous prenons aussi en considération toute la plus-value du projet, au-delà de la seule action climatique, pour la qualité des sols, le développement de la biodiversité et les conditions de vie des communautés locales, en évaluant l'état initial de chaque indicateur et en observant son évolution tout au long de la vie du projet, c’est-à-dire pendant trente ans. »

En termes d’amélioration des conditions des sols, différents indicateurs seront suivis au sein de parcelles permanentes, comme la température des sols, la densité, le taux d’infiltration et de rétention de l’eau et le taux d’érosion.

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Contraste entre un sol humide prélevé sous un spekboom et un sol aride prélevé à découvert

En ce qui concerne l’impact du projet pour la biodiversité, le plan de monitoring implique notamment le suivi de la diversité floristique, du nombre d’espèces d’oiseaux, d’espèces menacées et de pollinisateurs.

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Le spekboom (au premier plan) offre des habitats et un réservoir alimentaire résilient pour la faune autochtone

La dimension socio-économique est également une composante à part entière du projet, qui contribue directement à réduire le niveau de pauvreté à l’échelle locale. Tous les effectifs associés aux activités – récolte des boutures de spekboom, entretien des pépinières, transport des plants vers les parcelles, plantation des arbres, activités liées aux infrastructures d’accueil des travailleurs (cuisine, entretien, navette…) – représentent en effet la création de plus de 300 emplois sur une période de 15 mois, qui pourra se prolonger grâce à la poursuite de la restauration des fourrés de spekboom dans d’autres zones dégradées du Cap-Oriental.

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Monwabisi Manene et Zukiswa Davids, deux travailleurs employés dans les activités du projet Kuzuko

Les bénéfices sociaux s’étendent également à la jeune génération, puisque le projet permet de financer, via la Fondation Kuzuko, deux écoles primaires situées à Middlewater et à Bracefield, dans le but d’améliorer les infrastructures, de fournir aux écoliers du matériel scolaire de qualité et de contribuer à leur éducation à l’environnement pour leur enseigner, dès le plus jeune âge, la valeur des écosystèmes naturels et de la biodiversité.

Le projet de Kuzuko témoigne ainsi de la capacité des projets certifiés carbone à étendre leur impact bien au-delà des bénéfices climatiques, en promouvant la santé des sols, en favorisant la biodiversité et en améliorant les conditions de vie des communautés humaines. Cette démarche holistique contribue à la restauration de précieux services écosystémiques et à la régénération du vivant dans son ensemble et de façon durable. Alors que le défi de la restauration des écosystèmes des fourrés est de taille en Afrique du Sud, face à une superficie dégradée de plus d’un million d’hectares, les impacts du projet Kuzuko ont le potentiel d’être démultipliés au fur et à mesure des actions futures menées par AfriCarbon et Reforest’Action. Fortes de cette première expérience conduite à Kuzuko, les deux structures poursuivront, pour les années à venir, leur ambition commune au service de la restauration de ce biome unique au monde.

SOURCES

  • Le projet Kuzuko a notamment été financé par Capgemini, l’un des leaders mondiaux de la transformation et de la gestion des activités des entreprises via la technologie. Capgemini s’est engagé à décarboner ses activités à hauteur de 90 % d’ici 2040 et investit par ailleurs dans des crédits carbone de haute qualité pour réduire et éliminer le carbone au-delà de sa propre chaîne de valeur.
  • Les informations scientifiques et les données chiffrées concernant les caractéristiques physiologiques du Spekboom sont issues d’interviews conduites par Reforest’Action auprès de Anthony Mills, Docteur en sciences des sols et Fondateur d’AfriCarbon, et Robbert Duker, Docteur en physiologie environnementale des plantes et Chef des opérations d’AfriCarbon, ou de leurs travaux scientifiques publiés et évalués par leurs pairs.
  • Toutes photographies qui illustrent cet article ont été réalisées par Reforest’Action.