Au Nigéria, l’un des pays les plus déforestés au monde, le couvert forestier ainsi que l’habitat de la faune et de la flore disparaissent au profit de terres agricoles. En parallèle, les besoins en bois ainsi que le développement des zones urbaines participent à cette surexploitation des ressources naturelles. Au nord-est de la ville de Pankshin, capitale de l’État du Plateau, un projet est financé par Reforest’Action depuis 2022 et porté sur le terrain par l’ONG Crescendo. L’objectif : restaurer des terres agricoles dégradées en créant des haies vives, garantes de la protection des cultures contre la divagation du bétail, et en développant l’agroforesterie à l’intérieur des champs cultivés.
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La prise en compte des besoins des communautés locales dans le design du projet
Dans le cadre du projet, l’intégration d’arbres autour et au sein des parcelles agricoles vise à répondre à deux principaux besoins des communautés locales sédentaires de la région : la protection de leurs cultures face aux troupeaux de bétail des éleveurs nomades, et l’accessibilité d’une ressource en bois issue d’une gestion durable et non d’actions de déforestation au sein des forêts naturelles environnantes. A l’issue de recherches botaniques et paysagères approfondies, le design du projet a ainsi été spécifiquement conçu pour prendre en compte ces enjeux locaux et déterminer les schémas de plantation les plus appropriés pour fournir des conditions optimales à la croissance des arbres.
Créer des haies vives protectrices autour des champs
Au sein des villages concernés par le projet, des arbres et des arbustes sont plantés en haies vives autour des champs pour former des bocages. Véritables « clôtures vivantes », ces haies sont essentielles pour protéger les champs des agriculteurs locaux, dont les cultures étaient fréquemment endommagées par le passage du bétail du peuple Peul, nomade, qui traverse notamment la région pendant la saison sèche. Les essences plantées (acacia, jatropha, Syzygium guineense …) ont été soigneusement sélectionnées selon plusieurs caractéristiques :
- Dotées d’une vitesse de croissance élevée, pour permettre la mise en place rapide de ces haies protectrices
- Épineuses, pour dissuader et éloigner le bétail ;
- Buissonnantes, pour renforcer l’étanchéité des haies par des ramifications basses et les rendre ainsi impénétrables ;
- Sociables, pour optimiser leur capacité à évoluer au sein d’un peuplement linéaire dense ;
- Fertilisantes, pour contribuer à enrichir les sols cultivés en azote ;
- Rustiques, pour parer aux épisodes de stress hydrique lors des saisons sèches.
Au-delà de leur caractère défensif et répulsif contre le bétail errant, les haies bocagères visent également, sur le plan environnemental, à créer un microclimat favorable à l’augmentation de la productivité des cultures tout en améliorant leur résilience. Les méthodes appliquées permettent de réhabiliter la biodiversité au sein des terres agricoles et de prévenir l’érosion des sols, dans l’optique d’une agriculture plus durable.
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Associer les arbres et les cultures à l’intérieur des champs
Des arbres sont également intégrés au sein même des champs cultivés. Les essences ont été sélectionnées pour répondre aux besoins des communautés en bois, en fruits et en fourrage pour le bétail. De nombreux bénéfices découleront ainsi de la création de ces systèmes agroforestiers : augmentation de la sécurité alimentaire grâce aux récoltes des fruits issus des arbres fruitiers (élémier d’Afrique, néré, tamarinier), production de bois pour la cuisson des aliments (gmelina, acajou d’Afrique, eucalyptus) et de fourrage à partir des feuilles des arbres (albizia, Leucaena, Samanea) pour contribuer à nourrir le bétail des communautés sédentaires mais également celui du peuple Peul, qui pourra ainsi nourrir ses troupeaux sans endommager les cultures des agriculteurs locaux. En parallèle, des actions de sensibilisation des populations, y compris au sein des écoles, visent à améliorer leur compréhension des questions climatiques et environnementales et à les former aux techniques agroforestières.
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La production des arbres, à l’épreuve de la rareté de la ressource en eau
Initiée en février 2022, la première étape du projet a consisté à mettre en place trois pépinières pour la production des plants. La région de Pankshin est particulièrement marquée par les enjeux liés à la ressource en eau. La saison sèche, qui se déroule généralement d’octobre à avril, se caractérise par un tarissement des rivières et une absence totale de précipitations pendant plusieurs mois. Afin de mettre en place les meilleures conditions possibles à la croissance des arbres au sein des pépinières, notre partenaire local, Crescendo, a ainsi réalisé des forages afin d’installer des puits, utiles autant aux villageois pour augmenter la disponibilité en eau potable, qu’aux arbres en cours de production en pépinières. Au total, 12 techniciens ont travaillé à la production de 240 000 arbres d’essences variées au sein des pépinières. La production des semis s’est achevée en mai 2023. Cette année, la saison des pluies a connu des prémices irrégulières, avec une période de fortes précipitations entre avril et mai, suivie d’une longue sécheresse inhabituelle. Si les plantations avaient débuté à la faveur des premières pluies, il a toutefois fallu ensuite arroser manuellement les jeunes arbres pour leur permettre de moins souffrir de la sécheresse. Aujourd’hui, les plantations se poursuivent et sont presque totalement achevées.
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Protéger le milieu naturel de l’Encephalartos, une essence endémique préhistorique
En parallèle du projet financé par Reforest’Action, notre partenaire technique conduit également un programme de protection du Pankshin Hills Sanctuary, un sanctuaire écologique situé dans un cirque de montagnes rocheuses culminant à 1600 mètres d’altitude, et qui abrite notamment une essence d’arbre remarquable, l’Encephalartos barteri. Cette essence endémique, dont l’existence remonte à l’ère préhistorique, est aujourd’hui menacée de disparition : sa population totale au sein du sanctuaire est estimée entre 300 et 1000 individus. Dans ce contexte, notre partenaire Crescendo a obtenu un financement de la Darwin Initiative, une bourse gouvernementale britannique, afin de contribuer à restaurer l’écosystème de l’Encephalartos et régénérer cette essence. Ce projet de conservation des forêts naturelles de la région est ainsi complémentaire du projet de Reforest’Action qui vise notamment à stopper la déforestation en mettant à disposition des communautés une ressource en bois issue de systèmes agroforestiers gérés durablement.
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