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À Taza au Maroc, la grande pépinière de Bouhlou a rempli ses objectifs

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Lancé fin 2021 pour une durée de deux ans et neuf mois, le projet financé par Reforest’Action à Taza, au Maroc, est mené sur le terrain par la High Atlas Foundation (HAF) en collaboration avec l’Agence Nationale des Eaux et Forêts marocaine. La première saison du projet consistait en la création d’une immense pépinière d’un hectare et demi. Sur place, la pépinière de Bouhlou, construite entièrement pour les besoins du projet, a permis la production de plus de 200 000 plants d’essences fruitières diversifiées. Depuis le début de l’année 2023, le projet a entamé la deuxième étape de sa mise en place : la plantation des jeunes arbres sur les terres des agriculteurs et au sein des écoles de la région.

S’échelonnant sur presque trois ans, l’objectif final du projet est la production en pépinière et la distribution de 400 000 arbres fruitiers auprès de 3000 agriculteurs en céréaliculture. Ces arbres seront plantés en agroforesterie, sur des terres dégradées par la culture monospécifique d’orge et de maïs, pour régénérer les écosystèmes agricoles et relancer une arboriculture durable.

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Un contexte climatique et social fragilisé

Taza est une ville située au Nord-Est du Maroc, là où les chaînes montagneuses du Rif et du Moyen Atlas se rejoignent. Le Nord marocain est particulièrement exposé au dérèglement climatique, à l’origine de périodes de sécheresse plus fréquentes et plus longues, qui affaiblissent la ressource hydrique et fragilisent les écosystèmes naturels. Les sols dégradés de la région sont d’autant plus exposés à l’érosion lors de fortes pluies, provoquant des inondations à répétition.

L’agriculture céréalière, qui occupe 60%* de la surface agricole du pays, est particulièrement sensible à la baisse de la pluviométrie des dernières années. Moins vulnérable aux aléas climatiques, l’arboriculture est le deuxième secteur agricole au Maroc, avec 16%* des terres cultivées. Si les alentours de Taza comptent de nombreux vergers arboricoles, ils sont très âgés et leur production est aujourd’hui amoindrie.

L'agriculture a une grande importance économique et sociale au Maroc, représentant 38%* de l'emploi au niveau national et plus de 70%* en milieu rural. C’est pourquoi la vulnérabilité croissante de l’agriculture aux changements climatiques impacte directement la sécurité économique et alimentaire des populations. Dans les zones montagneuses, les communautés rurales marocaines font déjà face à une pauvreté systémique accentuée par l’illettrisme et le manque d’accès aux technologies modernes, et l’agriculture représente leur seul moyen de subsistance.

*Source : Ministère de l'Économie et des Finances, Royaume du Maroc, 2019

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Un projet ancré dans la stratégie du pays

Appuyé par la Direction régionale des Eaux et Forêts de la province de Taza, le projet s’inscrit dans le cadre de la nouvelle stratégie forestière du Maroc (Forêt du Maroc 2020-2030). Cette dernière encourage la plantation d’arbres sur des terrains appartenant à l’État par des coopératives ou des associations. Face à l’impact social du dérèglement climatique, le gouvernement favorise également l’intégration d’arbres fruitiers dans les filières agricoles et promeut une utilisation rationnée de l’eau et des intrants.

Le projet développé à Taza, qui vise à développer l’arboriculture au sein de terres cultivées, participe donc à remplir les objectifs stratégiques du gouvernement marocain, tandis qu’il fera l’objet d’aides de la part des institutions gouvernementales implantées localement. Les bénéfices sont réciproques.

Construction d’une pépinière et production des plants

Sur le terrain, le projet a démarré en janvier 2022 par la construction d’une immense pépinière destinée à accueillir les futurs arbres fruitiers. Il n’en existait aucune dans la province de Taza. La pépinière de Bouhlou s’étale aujourd’hui sur une surface d’un hectare et demi, au sein d’une ancienne pépinière d’oliviers.

Le lancement d’une telle pépinière a nécessité la mobilisation d’une équipe d’experts dédiée et la conduite de travaux importants : creusement d’un puits, construction d’un local pour le matériel, installation de panneaux solaires, mise en place d’une clôture, etc. Ensuite, il s’agissait de réaliser les semis des graines et les boutures, puis d’entretenir les plants pour garantir leur croissance (arrosage, traitement, désherbage, greffage). Plus de 310 000 graines de figuier, grenadier, amandier, noyer, caroubier et cerisier ont ainsi été cultivées avec des produits biologiques.

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Après douze mois de travail partagé entre les membres de la HAF et les habitants de la commune de Bouhlou, 202 800 arbres sont actuellement prêts à être plantés au cours de la prochaine saison. Le pourcentage de réussite par rapport à l’objectif initial est de 101,4%. Les 1,4% supplémentaires serviront à remplacer les arbres qui ne survivraient pas aux fortes chaleurs.

Les agriculteurs qui bénéficieront des arbres ont été impliqués dans cette première phase d’implémentation, en participant aux choix des essences les plus adaptées au climat de la région. Il existe déjà une forte demande en vue de la distribution des arbres, en particulier pour les plants de caroubier, très rentables. En effet, l’arbre n’exige pas beaucoup d’entretien et supporte bien la sécheresse ; et ses fruits se vendent à plus de 50 dirhams (environ 4,70€) le kilo. L’intérêt des agriculteurs pour le projet est un signe très encourageant.

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Des impacts socio-économiques mesurables

Les cibles du projet sont de trois types : les agriculteurs locaux, les associations de protection de l’environnement et les élèves des écoles voisines. Depuis le démarrage des opérations, ces différents groupes sont informés de l’existence du projet et des bénéfices de la plantation d’arbres en agroforesterie.

Sur place, des impacts socio-économiques positifs sont déjà visibles. La construction et la gestion de la pépinière de Bouhlou ont permis la création de milliers de journées de travail au profit de 50 familles locales. En outre, fournir un emploi aux plus jeunes, en âge de travailler, permet de lutter contre le phénomène d’exode rural qui déchire de plus en plus de familles marocaines. En dehors de la zone concernée, le projet a contribué à la génération de revenus à travers l’achat de matériel, de semences, et d’autres services auprès d’entreprises locales.

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Avant que les agriculteurs bénéficient des arbres, les agents de la HAF et de l’Agence des Eaux et Forêts procèdent à l’organisation d'ateliers de formation à l’agriculture durable, incitant les cultivateurs à s’organiser sous la forme de coopératives pour faciliter leur accès aux marchés.

L’intégration des communautés de femmes

La HAF accompagne les populations dans la mise en œuvre d’initiatives de développement qui promeuvent l’autonomie des femmes. Le projet à Taza vise à accompagner les communautés de femmes vers plus d’autosuffisance. Lors de cette première saison, elles ont ainsi participé à la réalisation et à l’entretien des semis de caroubiers et ont pu développer un savoir-faire spécifique tout en gagnant leur indépendance financière.

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La sensibilisation du jeune public

L’aspect éducationnel était un objectif primordial de cette première saison. La HAF a organisé des sessions de sensibilisation régulières avec les écoles de la région. Lors de plusieurs visites de la pépinière, les élèves et leurs enseignants ont pu découvrir le projet, les étapes de développement des arbres, leur nécessité dans l’équilibre écologique ainsi que l’importance de les protéger. Cinq écoles partenaires, accueillant plus de 100 élèves, se verront distribuer une partie des arbres en 2023 et pourront les intégrer à leurs établissements.

Vers la création de vergers : une suite prometteuse

La deuxième phase du projet est en cours depuis le début de l’année 2023. Elle consiste à distribuer les arbres de la pépinière de Bouhlou aux agriculteurs qui souhaitent les planter au sein de leurs cultures, dans le but de créer des vergers agroforestiers. La plantation des arbres fruitiers en agroforesterie permettra la régénération des écosystèmes dégradés par l’agriculture conventionnelle. De nombreux bénéfices socio-environnementaux en découleront.

L’augmentation du couvert végétal protègera les sols agricoles contre l’érosion hydrique et éolienne, augmentera leur fertilité, améliorera la rétention d’eau et réduira le taux de poussières dans l’air, qui peut être important dans la région. D’autre part, les essences natives choisies, comme le figuier qui caractérise les milieux du pré-Rif et du Rif, assureront la pérennité de variétés de fruits ancestrales et la préservation d’une biodiversité native.

La plantation et l’entretien des arbres offriront davantage d’emplois aux populations locales et, plus tard, la récolte et la commercialisation des fruits représenteront des postes de travail importants. La production moyenne annuelle de 200 000 plants en pépinière garantira la plantation de 1000 hectares annuellement et contribuera à la génération de plus de 2 millions de dirhams pour les familles des agriculteurs.

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L’obtention d’une certification biologique

Un des principaux freins au projet est l’inexistence de marchés pour vendre les produits issus des arbres. À l’avenir, il est prévu que le projet obtienne une certification biologique, de la production en pépinière à la culture des fruits. Dès la troisième année, une production biologique de fruits sera donc assurée grâce au partenariat entre la HAF et l’agence humanitaire américaine USAID. Ensuite, des experts locaux et internationaux accompagneront la création de coopératives locales pour valoriser les fruits cultivés biologiquement et faciliter leur vente sur les marchés.