Démarré en 2019, il s’agit du deuxième projet de régénération d’écosystèmes naturels financé par Reforest’Action au Pérou. En partenariat avec l’ONG péruvienne PROGRESO, les actions menées visent à régénérer les sols dégradés par l’érosion et à lutter contre la désertification. Un audit de terrain, conduit en février 2023 par Juliet, Project Officer au Pérou pour Reforest’Action, a permis de mesurer les avancées de la troisième année du projet. Cette dernière saison a poursuivi les deux volets initiaux : intégration d’arbres au sein des cultures et régénération de la forêt sèche. Malgré les inondations et les périodes de sécheresse de plus en plus fréquentes, les 826 000 arbres plantés en 2022 affichent un très bon taux de reprise.
La saison 2021-2022 du projet concerne trois districts de la province de Huancabamba : Sóndor, Huarmaca et Huancabamba. Dans la région de Piura au nord-ouest du Pérou, la lutte contre la désertification des sols montagneux, à laquelle se heurtent les agriculteurs et les éleveurs locaux, reste le principal objectif de cette troisième saison de plantation.
Entre désertification, érosion et inondations
Situé à plus de 2000 mètres d’altitude, le paysage brumeux des hauts plateaux de Piura est trompeur. Il s’agit bien d’un écosystème aride, composé de forêts sèches et éparses, et menacé par la désertification. À ce climat difficile s’ajoute la déforestation, conséquence des besoins agricoles croissants. Selon le SERFOR*, plus de 600 000 hectares de forêts ont été déboisés illégalement au cours des vingt dernières années dans la région de Piura. La province de Huancabamba, où se trouve le projet financé par Reforest’Action, présente le taux de déforestation le plus élevé.
La quasi-absence de végétation expose les sols arables à l’érosion hydrique et éolienne, qui conduit à leur dégradation et limite leur utilisation pour l'activité agricole. Peu à peu, les petits exploitants abandonnent leurs terres. Se nourrissant des quelques broussailles, les incendies représentent également une menace grandissante, tandis que les longues périodes sans pluie assèchent dangereusement la ressource en eau.
- SERFOR = Servicio Nacional Forestal y de Fauna Silvestre
El Niño menace les habitants de Piura
La fréquence et l’intensité des inondations au Pérou placent le pays dans une situation préoccupante. En ce début d’année 2023, la ville de Piura, située en aval à quelques kilomètres de l’Océan Pacifique, a subi les conséquences de lourdes intempéries : trop-plein d’eau provenant des montagnes et manque d’arbres pour retenir les sols. Bilan : des inondations et coulées de boue ont paralysé la ville pendant plusieurs jours.
Ces événements climatiques sont fortement corrélés à l’intensification d’El Niño, le premier facteur de variabilité du climat au Pérou. El Niño est un phénomène météorologique caractérisé par la création d’un courant côtier chaud au large du Pérou et de l’Équateur. Par accumulation de l’humidité dans l’air, ce réchauffement de l’eau provoque de fortes pluies et des cyclones, souvent à l’origine de crues importantes appelées “huayco” par les populations locales. En 2017, sur les côtes péruviennes, huayco a provoqué le déplacement de plus de 300 000 personnes. Au Pérou, les effets du dérèglement climatique sont évidents : El Niño survient de plus en plus tôt dans l’année, à chaque fois plus ravageur, et modifie profondément le climat du pays, allongeant notamment les périodes de sécheresse.
Dans un pays où le taux de pauvreté dépasse 20% et où un tiers de la population vit dans des zones exposées aux catastrophes naturelles, la menace du climat accentue encore la vulnérabilité socioéconomique des communautés.
Les arbres, guérisseurs des sols
Dans ce contexte, planter des arbres est une façon efficace d’agir sur les sols, et a de nombreux effets positifs en cascade : meilleure infiltration de l’eau, lutte contre l’érosion hydrique, barrière contre les coulées de boue, récupération et maintien de la ressource en eau, ou encore amélioration de la fertilité des terres. À la surface, les houpiers des arbres agissent comme des brise-vents contre l’érosion éolienne. La présence de végétation dans le paysage génère également un microclimat plus humide, propice à l’agriculture et à l’élevage. Planter des arbres a donc un réel impact sur les conditions climatiques et pédologiques de la zone.
Retour sur les activités de la saison 2021-2022
Les dernières plantations ont eu lieu de janvier à mars 2022, pendant la saison des pluies, pour permettre aux semis de survivre pendant la sécheresse. Un total de 826 000 arbres a été planté, sur un peu plus de 705 hectares divisés selon les différentes activités du projet : développement de systèmes agroforestiers et régénération de la forêt sèche. Au global, sur les deux volets du projet, le taux de survie des arbres est compris entre 93 et 100%.
Volet 1 : agroforesterie dans les champs de café
En 2022, des arbres ont été introduits en agroforesterie sur 244 hectares : au sein de cultures de café dans le district de Sóndor et sur des parcelles communales dans les districts de Huarmaca et Huancabamba. Des aulnes et des cinchonas, deux espèces natives de la région, ont ainsi été plantés à proximité des cours d'eau afin de régénérer les sols et la biodiversité.
L'aulne est une espèce très utile dans le processus de régénération forestière, car il a la capacité de fixer l'azote de l'atmosphère et de l'incorporer dans le sol. Il favorise également l'établissement d'autres espèces ainsi que la protection et la recharge des bassins versants. Les bénéfices générés par les arbres en agroforesterie sont nombreux. Ils protègent les cultures vivrières des agriculteurs, qui veillent donc à en prendre soin, et sont en outre une source de bois d’œuvre et de bois de chauffage durablement gérée, détournant les populations locales de la coupe de bois dans les forêts subsistante.
Volet 2 : régénération de la forêt sèche
Au cours de l’année, 461 hectares de forêts sèches et défrichées ont été régénérés, sur des terres communales et privées des trois districts concernés.
Certaines zones, situées à plus de 2100 mètres au-dessus du niveau de la mer, connaissent des températures très basses la nuit et en hiver. En outre, leur sol est déboisé et érodé. L'altitude, le climat et le sol ont été des facteurs décisifs dans le choix des essences à planter, dont des pins et des cyprès. À cette altitude, les espèces natives ne survivent pas.
Préservation du Quinquina, emblème du Pérou
Le projet promeut également la récupération du Quinquina, une espèce indigène ancestrale qui figure sur l'emblème du Pérou. Le Quinquina a de grandes propriétés médicinales car son écorce contient un alcaloïde utilisé comme antipaludique, contre la malaria. Pour cette raison, l’arbre a été surexploité dans les années 1950 et est aujourd’hui en grand danger d’extinction. Cette essence nationale a été identifiée dans l’une des parcelles du projet pendant l’audit, et bénéficiera des activités de régénération en cours en plus d’une attention particulière de la part des communautés.
Implication des populations dans le projet
Plus de 1300 familles, actuellement affiliées au projet, ont participé aux plantations et contribueront à l’entretien futur des arbres. Dans la zone d'intervention, chaque famille est composée de 5 à 6 membres en moyenne, ce qui signifie que le projet bénéficie au total à plus de 6000 personnes.
Au cours de la saison passée, notre partenaire PROGRESO a réalisé des formations en agriculture durable auprès d’environ 1400 personnes, des familles mais aussi des équipes techniques et des employés des municipalités. L'objectif premier était de les impliquer à chaque étape de développement du projet. Au cours de différents ateliers, les participants ont pu partager leurs connaissances, leur expérience du terrain et leur façon de travailler, leur permettant de se sentir réellement partie prenante du projet.
En 2022, des accords de coopération avec les municipalités locales, partenaires régionaux stratégiques, ont été signés afin d'unir les efforts et les ressources lors de l'exécution du projet.
La Minga, fête du travail communautaire
Festive et conviviale, la Minga est une tradition sud-américaine de travail collectif. Basée sur l’entraide, cette pratique consiste à venir en aide à la communauté, au village, ou même à une famille qui en aurait besoin à un moment précis : travaux agricoles, construction de maisons, entretien de la route, etc. Cette coutume reflète un immense esprit de solidarité et traduit concrètement les notions de réciprocité et d’interdépendance qui régissent les relations aux autres, mais aussi à la nature et au monde spirituel dans la culture péruvienne. La Minga est encore très pratiquée dans les zones rurales du Nord-Ouest du Pérou, dont la région de Piura.
Le nettoyage, la préparation du sol et les plantations au sein des zones communales ont ainsi été réalisés au travers de la Minga : les familles environnantes ont toutes pris part aux activités, ce qui a permis de couvrir une grande surface de sol rapidement et efficacement.