Dans son 6ème rapport d’évaluation publié en 2023, le GIEC estime que le réchauffement de la planète atteindra les 1,5°C dès le début des années 2030. Or un quart des émissions de gaz à effet de serre dans le monde est causé par l’agriculture conventionnelle. Il est donc urgent de repenser nos modes de production. L’agriculture régénératrice apporte des solutions subtantielles. Ce modèle agricole repose sur une grande diversité de pratiques agronomiques inspirées de l’agriculture biologique, de l'agroécologie et de la permaculture. Elle vise à garantir la résilience et la stabilité de l’écosystème à long terme - en produisant des impacts positifs nets.
Il n’existe pas de définition statique et unanime de l’agriculture régénératrice. En revanche, elle cherche toujours en priorité à restaurer la qualité des sols agricoles - alors même qu’un tiers de ceux-ci dans le monde sont déjà dégradés. En introduisant davantage de vie et de biodiversité dans les sols, elle encourage le développement de la matière organique, ce qui qui permettra à ceux-ci d’être plus riches, plus fertiles et de séquestrer naturellement plus de carbone.
Un sol en bonne santé impactera également la qualité de l’eau et de l’air… et tout un écosystème deviendra alors plus stable sur le long terme et encore davantage résilient face aux aléas climatiques.
1.Une agriculture qui redonne sa place au vivant
1/ Une capacité inhérente à se régénérer
La régénération signifie « ramener la terre à la vie »[1]. L’agriculture régénératrice repose sur ce principe philosophique qui considère qu’un système a la capacité inhérente à se régénérer. Elle vise la production d’impacts positifs nets grâce à des pratiques qui favorisent la santé des sols mais aussi des personnes, des animaux et de l'environnement. L’objectif consiste à améliorer - plutôt que de simplement maintenir, la qualité des sols et la santé des exploitations. Ces pratiques d'agriculture et de pâturage permettent de garantir la résilience et l’équilibre de l’écosystème à long terme tout en maintenant et en améliorant la viabilité économique.
2/ Des pratiques qui se distinguent de celles de l’agriculture conventionnelle ou durable
L’agriculture conventionnelle - modèle dominant massivement développé après la première guerre mondiale, a progressivement dégradé et épuisé les ressources naturelles. Son travail des sols trop régulier, son utilisation d’intrants trop intense, ses monocultures et sa non-couverture des sols empêchent le CO2 de rester dans les sols et la biodiversité de s’y développer. Or aujourd’hui, la responsabilité de l’agriculture conventionnelle quant au réchauffement climatique n’est plus à démontrer.
De plus, l’agriculture régénératrice dépasse les ambitions d’une agriculture durable. Elle ne cherche pas seulement à minimiser les impacts de la production pour la rendre simplement durable mais davantage à l’optimiser en visant un impact positif net à travers la restauration des sols.
2. Une approche guidée par de grands principes
Les agriculteurs, forestiers et entreprises engagés dans l’agriculture régénératrice cherchent à améliorer les écosystèmes en combinant savoirs autochtones, gestion adaptative, science et technologies de pointe. Ils adoptent une vision et une gestion holistiques dans la mesure où les décisions sont prises en fonction de ce qui semble le mieux pour l'ensemble du système : au lieu de se concentrer sur le rendement ou la productivité, ils recherchent toujours l’efficience. Les pratiques agricoles doivent tenir compte de toutes leurs implications - qu’elles soient environnementales, financières et sociales.
Dans cet esprit, toutes les pratiques agricoles régénératrices sont guidées par une série de principes :
1. La stabilité et la santé du sol comme socle de base. Régénérer les sols signifie chercher à augmenter leur teneur organique en protégeant les habitats des micro et macro-organismes et permettre ainsi d’améliorer la fertilité. Cela engendre aussi le fait de permettre une meilleure infiltration de l’eau dans le sol et une meilleure résistance à l’érosion.
2. Une vision et une gestion holistiques. Chercher à améliorer les écosystèmes, grâce à une vision et une gestion holistiques, en harmonie avec la nature : les décisions sont prises en fonction de ce qui semble le mieux pour l'ensemble du système, au lieu de se concentrer sur le rendement ou la productivité et de faire des compromis négatifs. Recherchant toujours l’efficience, les pratiques agricoles de l’agriculture régénératrice tiennent compte de toutes leurs implications, qu’elles soient environnementales, financières et sociales.
3. Une approche basée sur l’expérimentation. L’agriculture régénératrice favorise l’expérimentation car elle permet des processus d'apprentissage constants - par essai et par erreur, intégrant de nouvelles manières de cultiver en fonction de chaque environnement.
4. Une approche qui promeut l’impact. Egalement appelée agriculture d’impact, l’agriculture régénératrice valorise les expérimentations dans la mesure où elles sont fondées sur des objectifs de résultats qui doivent d'ailleurs être mesurés afin de vérifier l'effet régénérateur sur l'écosystème social, économique et environnemental.
5. Les pratiques spécifiques adaptées au contexte : Les pratiques utilisées - très diverses – sont appréhendées fonction du contexte économique, communautaire, écologique, climatique, bio-régional par exemple, afin de réaliser leur plein potentiel. Il s'agit d'assurer et de développer des relations justes et réciproques entre toutes les parties prenantes.
6. La volonté de maintenir la viabilité économique : La viabilité économique est au cœur de l’approche régénératrice pour continuer de produire des matières premières dans un process de production qui fait en sorte que le capital ne soit pas détérioré dans le temps.
3. Une agriculture qui engendre de multiples services écosystémiques
L’agriculture régénératrice procure des avantages économiques, écologiques et sociaux pour l’Homme et pour la Nature à travers les nombreux services écosystémiques qu’elle engendre :
1/ la stabilité des sols et l’amélioration de la qualité de l’eau : les pratiques agricoles régénératrices améliorent la santé des sols et augmentent leur fertilité et leur capacité à retenir l’eau, réduisant ainsi l’érosion et la dégradation des sols. Parallèlement, les pratiques agricoles régénératrices permettent de réduire la pollution de l’eau en évitant les fuites de nutriments et de produits chimiques dans les cours d’eau.
2/ la préservation de la biodiversité : non seulement l’agriculture régénératrice participe à la préservation de la biodiversité en limitant les intrants chimiques mais elle favorise aussi son développement. Ses pratiques agricoles, qui s’appuient sur l’introduction d’arbres et de nouvelles espèces végétales, fournissent des habitats plus résilients pour la faune et la flore.
3/ le stockage du carbone : un sol agricole peut être un puits de carbone. Le carbone constitue un nutriment nécessaire au bien-être du sol et permet une bonne fertilisation. Un sol riche en carbone s’adaptera mieux aux effets du réchauffement climatique. Les méthodes de l’agriculture régénératrice permettent d’augmenter la séquestration, le stockage du carbone dans les sols et de le maintenir afin de renforcer la production de matière organique et, par extension, lutter contre les émissions de GES issues des pratiques agricoles conventionnelles.
4/ des bénéfices socio-économiques locaux : les méthodes de l’agriculture régénératrice soutiennent la santé de l’agriculteur, garantissent des revenus décents pour l’agriculteur, apportent des investissements locaux via les crédits carbone et contribuent à la sécurité alimentaire.
4. Des pratiques adaptées à chaque contexte
En tenant compte du type d’exploitation, des problématiques environnementales qui lui sont associées et de l’impact recherché - la séquestration du carbone ou la préservation de la biodiversité, par exemple, les pratiques agricoles potentielles sont variées :
1. La gestion des cultures : cultures intermédiaires (cultures temporaires de plantes à croissance rapide implantées entre la récolte d'une culture principale et le semis de la culture suivante) ; cultures diversifiées (qui consistent à avoir plusieurs cultures différentes sur le même champ) ; cultures intercalaires (culture associée installée entre les rangs de la culture principale) ; bandes enherbées (couvert végétal multifonctionnel longeant les cours d’eau ou plantées transversalement à la pente).
2. La gestion des sols : ne pas laisser de sols nus (ex : plantations de cultures vivaces couvre sol) ; travail minimal ou nul de la terre (techniques sans labour pour préserver le relargage du CO2 notamment et ne pas tasser les sols) ; utilisation de fertilisants d’origine naturelle (compost, fumier, engrais verts, biochar, traitements naturels) et élimination d’intrants chimiques de synthèse ; travail du sol avec une prise en compte des pentes pour que l’eau suive les courbes de niveau (cultures en terrasses par exemple) pour éviter l’érosion du sol.
3. Les pratique d’agroforesterie : intégrer des arbres aux cultures avec des approches spécifiques en fonction du contexte comme les approches intra-parcellaires, les brises vent ou les tampons ; développer les haies en contours des parcelles de cultures ; favoriser la polyculture utile à la biodiversité (polyculture, silvo-pâturage, bandes pollinisatrices, par exemple).
Conclusion
Chez Reforest’Action, nous croyons fermement aux vertus de l’agriculture régénératrice.
D’une part, elle permet d’engendrer une série de bénéfices environnementaux et sociaux grâce à l’adoption d’approches sur-mesure et adaptées à chaque contexte. D’autre part, la viabilité économique est au cœur de l’approche régénératrice utile pour continuer à produire des matières premières dans le cadre d'un processus de production et afin que le capital ne soit pas détérioré dans le temps.
Nous soutenons ainsi le déploiement de l’agriculture régénératrice au sein de la chaîne de valeur des entreprises. Réduction de leur empreinte, pérennisation de leur production et préservation des ressources font partie des multiples bénéfices attendus. En proposant aux entreprises un design de projets sur-mesure, nous voulons optimiser leur impact en cohérence avec le contexte du projet et les objectifs de chaque organisation. En outre, en conciliant savoirs traditionnels et autochtones avec des techniques simples, low-tech et high tech, nos projets reposent toujours sur des indicateurs d’impacts définis lors de la phase initiale de design du projet. Ils sont spécifiques à chaque projet en fonction du contexte, de la typologie du projet et des objectifs et couvrent quatre piliers que sont : le climat, la biodiversité, les sols/eau et l'aspect social.
References
Banerjee, S., van der Heijden, M.G.A. “Soil microbiomes and one health”, Nat Rev Microbiol, 2022.
Brown, K., Schirmer, J., Upton, P., “Can regenerative agriculture support successful adaptation to climate change and improved landscape health through building farmer self-efficacy and wellbeing?”, Current Research in Environmental Sustainability, Volume 4, 2022.
Hawken, P., Regeneration: Ending the Climate Crisis in One Generation, Penguin Publishing Group, 2021.
Ikerd, J., “The economic pamphleteer: realities of regenerative agriculture”, J. Agric. Food Syst. Community Dev. 10 (2), 2021, pp. 7-10.
Leu A. F., “Maximizing Photosynthesis and Root Exudates through Regenerative Agriculture to Increase Soil Organic Carbon to Mitigate Climate Change”, SCIREA Journal of Agriculture, Volume 8, Issue 1, February 2023, February 3, 2023, http://www.scirea.org/journal/Agriculture
Rodale Institute website – https://rodaleinstitute.org/why-organic/organic-basics/regenerative-orga...
Savory Institute. (2020). Savory Institute. Available online at: https://savory.global.
Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), Convention-cadre des Nations unies sur les changements climatiques (CCNUCC), Regenerative Agriculture: An opportunity for businesses and
[1] Rodale Institute website – https://rodaleinstitute.org/why-organic/organic-basics/regenerative-orga...