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Décryptage : le rôle des forêts dans le cycle du carbone

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Alors qu’elles recouvrent un peu moins de 30 % de la surface terrestre, les forêts renferment, à l’échelle mondiale, environ la moitié du carbone accumulé par les écosystèmes terrestres. La séquestration du carbone atmosphérique par les forêts, capté et fixé dans la biomasse et dans les sols, contribue ainsi à atténuer les changements climatiques d’origine humaine. Concrètement, par quel processus les forêts capturent-elles le carbone issu du CO2 atmosphérique ? Où est séquestré ce carbone ? Y a-t-il des écosystèmes forestiers qui absorbent davantage de carbone que d’autres ? Quel est le temps de résidence de cet élément au sein des forêts et de leurs sols ? Ces questions sont cruciales pour comprendre aujourd’hui le rôle majeur des forêts, tant dans l’adaptation aux changements climatiques actuels que dans leur atténuation à long terme.

Qu’est-ce que le cycle du carbone ?

Le carbone est présent sous différentes formes sur Terre

Quatrième élément chimique le plus abondant dans l’univers, le carbone est présent sur Terre :

  • Sous des formes allotropiques (cristallines), comme le graphite et le diamant ;
  • A l’état de composés inorganiques, comme le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4), deux des principaux gaz à effet de serre trouvés dans l’atmosphère, ou encore le carbonate de calcium (CaCO3) principalement présent dans les sols et les roches, et le bicarbonate (HCO3-), principalement présent dans les océans ;
  • Au sein de composés organiques, comme la biomasse (toutes les formes de vie connues sont constituées principalement de carbone, d'hydrogène, d'azote et d'oxygène) et certains kérogènes formés à partir de la décomposition de la matière organique et utilisés pour la production de combustibles fossiles (charbon, pétrole).

Les flux du carbone à l’échelle planétaire

Le cycle du carbone décrit l’ensemble des réactions biochimiques qui engagent l’élément carbone.

Quatre réservoirs de carbone sur Terre

Ces réactions ont lieu entre quatre grands réservoirs naturels à de multiples échelles et en suivant des processus variés :

  • L’atmosphère, qui désigne la couche gazeuse qui entoure le globe terrestre ;
  • La lithosphère, qui désigne l’enveloppe rigide de la surface de la Terre et qui comprend la croûte terrestre et une partie du manteau supérieur ;
  • L’hydrosphère, qui désigne l'ensemble des zones de la planète où l'eau est présente sous forme liquide (océans, fleuves, lacs), solide (glaces et neige) ou gazeuse (vapeur).
  • La biosphère, qui désigne l’ensemble des organismes vivants et leurs milieux de vie, c’est-à-dire la totalité des écosystèmes présents au sein de la lithosphère, de l'hydrosphère et de l'atmosphère.

Carbone organique et carbone minéral

Parce que le carbone existe à la fois sous forme organique et minérale, les flux qui l’impliquent sont décomposés en deux cycles : le cycle du carbone organique, qui fait référence au carbone produit par les organismes vivants, et le cycle du carbone inorganique, qui fait référence au carbone minéral non associé à des processus biologiques.

  • Le cycle du carbone organique est affecté par l’interaction de deux flux principaux. La photosynthèse des végétaux convertit le carbone minéral du CO2 atmosphérique en carbone organique au sein de la biosphère. La respiration animale et végétale convertit quant à elle le carbone organique en carbone minéral qui est relâché dans l’atmosphère sous forme de CO2. Ces processus ont un impact sur l'équilibre du CO2 atmosphérique sur une échelle de temps inférieure au siècle. Sur des échelles de temps équivalentes à des milliers et des millions d’années, ce sont des processus de nature géologique qui interviennent, comme la décomposition des matières organiques et leur lente transformation en kérogène.
  • Le cycle du carbone minéral implique quant à lui d’autres processus de recyclage du carbone contenu notamment dans le CO2 atmosphérique et dans les roches calcaires de la lithosphère. Par exemple, l'altération chimique des roches continentales convertit le CO2 des eaux de pluie et des sols en bicarbonate (HCO3-), qui est transporté jusqu’à l’hydrosphère par ruissellement. Les organismes marins utilisent ce bicarbonate pour secréter leur squelette ou leur coquille en carbonate de calcium (CaCO3). Le carbone de ces minéraux sera en partie enfoui dans les fonds marins pour former des roches sédimentaires carbonatées au sein de la lithosphère, ramenées à leur tour à la surface, après plusieurs dizaines de millions d’années, par les mouvements tectoniques, ou recyclées dans les magmas volcaniques qui retourneront alors le carbone minéral à l’atmosphère sous forme de CO2.

Le rôle des puits de carbone

Avant de transiter d'un réservoir à un autre, l’atome du carbone demeure stocké pendant une certaine durée. Ce temps de résidence du carbone est évalué à :

  • 4 ans dans l'atmosphère (en revanche, la durée de vie du CO2 est de 100 ans dans l’atmosphère) ;
  • 11 ans dans la biosphère ;
  • 385 ans dans l'hydrosphère superficielle (de 0 à 100 mètres de profondeur) ;
  • 100 milliers d'années dans l'océan profond ;
  • 200 millions d'années dans la lithosphère.

Au sein de ces réservoirs, il existe différents compartiments de séquestration, également nommés puits de carbone, comme les forêts et les océans, qui permettent de maintenir un cycle équilibré en stockant cet élément chimique à long terme et en grande quantité, et en évitant ainsi la saturation atmosphérique en gaz à effet de serre.

L’impact des activités humaines dans le cycle du carbone

Il y a 4 milliards d’années, l’apparition du cycle du carbone sur la Terre a permis l’instauration d’un système fermé qui conserve les éléments essentiels à la continuité du vivant grâce à l’effet de serre entretenu, notamment, par le dioxyde de carbone (CO2) et le méthane (CH4) présents dans l’atmosphère. Sans effet de serre, la température à la surface du globe s’élèverait à seulement -19°C en moyenne, au lieu des 15°C actuels.

Depuis la première révolution industrielle dans les années 1880, la teneur atmosphérique en CO2 à l’échelle mondiale a toutefois augmenté de plus de 40%, jusqu’à atteindre une concentration qui n’avait pas été égalée depuis 3 millions d’années. La teneur atmosphérique en méthane (CH4) a augmenté quant à elle de 162% depuis l’ère préindustrielle, atteignant son niveau le plus élevé depuis 800 000 ans.

Les activités humaines perturbent ainsi le cycle naturel du carbone. Entre 2010 et 2020, 86% de l’augmentation des émissions de gaz à effet de serre était due à la combustion des énergies fossiles. La modification anthropique de l’usage des terres est également responsable de la hausse du taux de CO2 atmosphérique. A titre d’exemple, la déforestation en zones tropicales a causé l’émission de 2,5 gigatonnes de CO2 dans l’atmosphère en 2021.

Les principaux puits de carbone, et notamment les océans, les forêts et les sols, ne captent que la moitié des émissions anthropiques de CO2. C’est ainsi 50% des émissions de CO2 d’origine humaine qui restent dans l’atmosphère, soit 60 milliards de tonnes de gaz à effet de serre (équivalent CO2), à défaut d’être séquestrés par les puits de carbone.

Ces gaz excédentaires accentuent l’effet de serre qui piège une partie du rayonnement solaire au lieu de la renvoyer vers l’espace, créant un faisceau de dérèglements climatiques, parmi lesquels le réchauffement planétaire, la modification du régime des pluies et l’acidification des océans. En 2022, la température moyenne mondiale a été supérieure de 1,15 °C à celle de la période préindustrielle, alors que les 196 États signataires de l’Accord de Paris se sont engagés à limiter la hausse des températures à 2°C, voire 1,5°C d’ici 2100 pour éviter que la Terre n’atteigne des points de basculement irréversibles.

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Quel rôle joue la forêt dans la séquestration du carbone ?

Le cycle du carbone en forêt : photosynthèse et respiration

Apparue il y a 3,8 milliards d’années, la photosynthèse est essentielle au maintien de la vie sur Terre. Il s’agit d’un processus bioénergétique qui permet à un organisme végétal de produire des glucides (sucres qui composent, notamment, la sève élaborée) en utilisant : • l’énergie solaire captée par la chlorophylle contenue dans les feuilles, • l’eau et les sels minéraux, qui constituent ensemble la sève brute puisée par les racines, • et le CO2 atmosphérique, dont le carbone est conservé et l’oxygène est relâché.

Ce processus est nécessaire aux végétaux, et aux arbres en particulier, pour assurer leur croissance. Le carbone conservé par les arbres entre ainsi dans leur composition à hauteur d’environ 50%. Il sert notamment à créer la matière organique – ou biomasse – essentielle à la pérennité de la structure aérienne et souterraine de l’arbre, comme son tronc, ses branches et ses racines.

Parallèlement à la photosynthèse, le processus inverse s’effectue par la respiration végétale. Les cellules des arbres consomment une partie des glucides avec de l’oxygène et produisent du CO2 et de l’eau, en libérant l’énergie dont ils ont besoin pour fabriquer d’autres substances vitales telles que la cellulose, la lignine et l’amidon. Le CO2 libéré est alors rendu à l’atmosphère, ainsi qu’une partie de l’eau par évapotranspiration.

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Les compartiments de séquestration carbone en forêt : biomasse et sols

En milieu forestier, le carbone organique capté par les végétaux est stocké au sein de différents compartiments de séquestration :

  • la biomasse vivante aérienne (tronc, écorce, branches, brindilles, graines, feuilles) ;
  • la biomasse vivante souterraine (racines) ;
  • la biomasse morte (bois mort coupé et laissé au sol, ou mort naturellement et laissé sur pied)
  • la litière, qui désigne l’horizon organique (O) du sol, de 0 à 2 cm de profondeur, formé par les débris végétaux récemment tombés et légèrement décomposés ;
  • l’horizon organo-minéral (A) du sol, de 2 à 10 centimètres de profondeur, créé par la décomposition de la matière organique issue notamment de la litière.

Une partie du carbone est ainsi stockée dans les sols forestiers. En zones tempérées, environ deux tiers du carbone fixé par les écosystèmes forestiers est contenu dans la litière et l’horizon organo-minéral, qui forment ensemble l’humus. Le carbone organique est par ailleurs vital pour la santé des sols, pour leur porosité qui permet la bonne circulation des flux gazeux et liquides, et pour leur capacité de rétention en eau, essentielle à la constitution de réservoirs hydriques et nutritifs pour la flore et la microfaune.

Au-delà des écosystèmes forestiers eux-mêmes, le carbone demeure également stocké dans les produits bois (bois d’œuvre, bois de construction), qui permettent en outre de réduire, par substitution, les émissions de CO2 liées à la création d’autres matériaux très émissifs en gaz à effet de serre.

La séquestration carbone selon la typologie d’écosystèmes arborés

Les proportions de carbone stockées par les différents compartiments de séquestration forestiers dépendent toutefois de la typologie de l’écosystème arboré, du climat et de la zone géographique. Concrètement, plus les ressources nécessaires à la photosynthèse sont abondantes, et notamment l’énergie solaire et l’eau de pluie qui ruisselle et s’infiltre dans les sols, plus ce processus biochimique a lieu, ce qui accélère la croissance et la taille des arbres, et donc le volume de leur biomasse et leur stock de carbone.

Cela explique, par exemple, le fait que les forêts tropicales, qui bénéficient d’un fort ensoleillement et de cycles de précipitations abondantes, séquestrent en moyenne 120 tonnes de carbone par hectare par an dans leur biomasse, là où les forêts tempérées n’en stockent que 57.

Les conditions pédoclimatiques impactent également le stockage du carbone organique dans les sols, comme en témoigne l’exemple des forêts boréales, qui contiendraient 84% de leur stock de carbone dans les sols grâce aux basses températures qui ralentissent l’activité biologique des sols et donc la décomposition de la matière organique, créant une accumulation de carbone dans les sols.

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Tonnes de carbone séquestrées par an et par hectare. Sources : GIEC, NASA.

Le temps de résidence du carbone en milieu forestier

A l’échelle mondiale, les écosystèmes forestiers et leurs sols séquestrent 15,6 gigatonnes de CO2 par an, ce qui représente environ 25% des émissions annuelles de CO2 d’origine anthropique. Toutefois, environ 8,1 gigatonnes de CO2 sont relâchées dans l’atmosphère en raison des perturbations (anthropiques ou naturelles) subies par les forêts et leurs sols.

Quand les forêts sont des puits de séquestration carbone

Lorsqu’un écosystème forestier atteint son climax, c’est-à-dire un état d'équilibre et de stabilité, les pertes de carbone liées à la mortalité des arbres les plus vieux sont compensées par la régénération des jeunes arbres. La biomasse de la forêt reste alors relativement stable, mais l’écosystème forestier continue à accumuler du carbone supplémentaire dans les sols sur le long terme. Lorsque les forêts atteignent cet état climacique et parviennent à se renouveler par elles-mêmes malgré la finitude de certains des individus forestiers, l’écosystème perdure et la séquestration carbone atteint un palier de stabilité pérenne, voire augmente progressivement au cours du temps. A titre d’exemple, la forêt primaire du bassin du Congo séquestre 600 millions de tonnes CO2 de plus qu’elle n’en émet – ce qui représente environ un tiers des émissions de CO2 générées par l’ensemble du secteur des transports aux États-Unis.

Au sein d’une forêt durablement gérée, entretenue régulièrement par placettes, la quantité de biomasse et donc le stock de carbone peuvent être également relativement stables dans le temps en se renouvelant constamment, voire en augmentant si la gestion tend à accentuer la densité des peuplements, par exemple dans le cadre de projets de restauration de forêts dégradées. En respectant la pérennité de l’écosystème forestier, les récoltes de bois au sein des forêts secondaires prolongent aussi le stockage du carbone au sein des produits bois durables (bois d’œuvre, bois de construction).

Quand les forêts sont des sources d’émissions de CO2

Le temps de résidence du carbone au sein des écosystèmes forestiers dépend toutefois des interventions humaines – il est notamment impacté par la déforestation, qui interrompt le cycle de la photosynthèse et de la respiration des arbres, créant ainsi la fuite du carbone contenu par les forêts sous forme de CO2 atmosphérique. Si le bassin de l’Amazonie constitue aujourd’hui encore un puits de carbone net, le rythme actuel de la déforestation menace toutefois de le transformer en une source d’émissions de CO2. Un cinquième des émissions de gaz à effet de serre dues aux activités humaines provient ainsi de la destruction des forêts.

Les dégradations forestières peuvent également être d’origine naturelle (incendies, parasites, tempêtes, inondations...) et liées directement aux changements climatiques, qui modifient le cycle biochimique du carbone. Ainsi, en période de sécheresse et de chaleur, la diminution de la disponibilité en eau et l’augmentation des températures ralentissent les réactions enzymatiques du processus de la photosynthèse, ce qui entraîne une diminution du CO2 absorbé et de l’oxygène libérée par la végétation, et le dépérissement des feuilles. Lorsqu’elles meurent, les feuilles cessent d’émettre de la vapeur d’eau et de rafraîchir l’atmosphère par évapotranspiration, ce qui accentue la hausse des températures locales et peut entraîner le dépérissement généralisé des massifs alentours, qui cessent alors de séquestrer du carbone et le relâchent sous forme de CO2 atmosphérique.

Parce que les forêts ont un rôle majeur dans le cycle naturel du carbone et dans l’absorption des gaz à effet de serre excédentaires dus aux activités anthropiques, la préservation, la gestion et le développement des écosystèmes forestiers sont des actions vitales pour l’adaptation aux changements climatiques actuels et leur atténuation sur le long terme. Le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat de l’ONU (GIEC) estime que le reboisement de 1 milliard d’hectares est nécessaire d’ici 2030 pour agir à grande échelle en faveur du climat. La restauration des écosystèmes forestiers et la lutte contre la déforestation doivent ainsi aller de pair pour assurer non seulement leur rôle de puits de carbone mais également l’ensemble des bénéfices qu’ils fournissent pour la biodiversité, le système sol-eau et les communautés humaines. En parallèle, la diminution des émissions de CO2 d’origine anthropique à hauteur de 43% d’ici 2030 est impérative pour lutter contre les changements climatiques, eux-mêmes responsables de la dégradation de la santé des forêts mondiales.

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