Les sols et la ressource en eau sont deux éléments capitaux de l’environnement. Ils fonctionnent comme un système et sont intrinsèquement liés. En effet, l’essentiel de l’eau qui parvient à la surface des écosystèmes terrestres, notamment via les précipitations, s’infiltre dans les sols, ou ruisselle à leur surface. Quels sont les flux et les interactions qui s’opèrent au sein du système sol-eau ? En quoi les sols ont-ils, en fonction de leur structure, de leur texture, de leur état de santé, de leur type de couvert et d’usage, une influence sur la qualité et la quantité d’eau disponible pour les plantes et le vivant dans son ensemble ? Ces questions sont cruciales pour comprendre l’impact des projets de restauration forestiers et agroforestiers, tant dans l’augmentation de l’infiltration des eaux de pluie au sein des nappes que dans la diminution du ruissellement et de ses risques.
Le lien entre sols et eau
Le rôle du sol dans le cycle de l'eau
Partie vivante de la géosphère, le sol est à la fois le support et le produit du vivant, puisqu’il résulte de la transformation de la couche superficielle de la roche-mère, dégradée et enrichie en apports de matière organique. Le sol est ainsi l’un des principaux puits de carbone planétaires.
Il possède également un rôle primordial de régulation dans le cycle de l’eau. Si l’eau contenue dans les sols ne représente que 0,064% de l’eau douce totale disponible à l’échelle de la Terre, elle est cependant essentielle à l’alimentation des végétaux et au processus de photosynthèse, ainsi qu’à la vie de la grande diversité des micro-organismes vivants contenus dans le sol, dont des animaux (lombrics, arthropodes, nématodes, protozoaires), des champignons ou encore des bactéries.
Les interactions entre sols et eau
De manière générale, la quantité d’eau disponible dans le sol pour la biodiversité végétale, la biodiversité animale et les champignons, provient des précipitations. Plus de la moitié des précipitations annuelles passe en effet dans le sol et dans les végétaux (cultures, forêts, plantes…), avant d'être majoritairement évapotranspirée. Il s’agit de l'eau verte. Le reste des pluies rejoint les cours d'eau, les lacs et s’infiltre dans les nappes phréatiques. C'est l'eau bleue.
La quantité d’eau stockée temporairement dans les sols, circule dans des microporosités, c’est-à-dire des cavités de petite taille comportées dans le sol, et constitue la réserve en eau du sol. Cette capacité stockée dépend du climat, de la structure et de la texture du sol, de sa profondeur ou encore de son taux en matière organique (richesse en carbone).
Les principales particules (issues de l'altération des roches) qui peuvent constituer la texture des sols sont le sable, le limon et l’argile. Elles présentent chacune une capacité différente de rétention en eau (faible pour le sable, forte pour le limon et l’argile).
En calculant la répartition granulométrique (texture), c’est-à-dire la proportion de chacune de ces fractions fondamentales au sein d’un sol donné, il est possible de définir le groupe hydrologique d’un sol et ainsi de mieux connaître son pouvoir de rétention des eaux.
Schéma illustratif des interactions entre le sol et l’eau : l'eau des pluies ruisselle à la surface des sols et/ou s'infiltre dans les nappes, constituant une source d'eau pour l’écosystème et la biodiversité.L’influence des sols sur la quantité d’eau disponible
Le rôle de la réserve utile d’eau dans le sol
En stockant une partie de l’excédent d’eau de pluie et en mettant à disposition de la végétation et des micro-organismes une réserve utile en eau, le sol a la capacité de retarder et d’atténuer le déficit hydrique qui peut survenir lorsque le volume des précipitations est restreint.
Lorsque la réserve utile est trop faible, elle est considérée comme limitante pour le vivant, et ne permet pas d’assurer l’alimentation des différentes espèces d’arbres et de plantes en l’absence de précipitations. Le processus de photosynthèse peut alors ralentir, voire s’arrêter, causant le dépérissement de la végétation.
Inversement, à l’occasion d’évènements climatiques extrêmes, l’eau en excès dans les sols peut faire figure d’élément préjudiciable pour les plantes. L’état d’engorgement provoque en effet une asphyxie des racines et réduit la profondeur d’enracinement des arbres.
Les flux d’eau dans les écosystèmes
En connaissant la réserve utile d’un sol, il est possible de déterminer les flux de drainage profond, c’est-à-dire la recharge des nappes phréatiques, ou inversement l’épuisement des ressources en eau du sol.
Pour cela, il faut comparer le volume des précipitations à l’évapotranspiration potentielle (ETP). Cet indice bioclimatique traduit en millimètres d’eau le pouvoir évaporant de l’atmosphère, commandé par le rayonnement solaire, le dessèchement de l’atmosphère et la vitesse du vent.
Si le volume des précipitations est inférieur ou équivalent à l’ETP, alors les flux d’eau bleue sont inexistants (il n’y a pas de ruissellement et les nappes ne se rechargent pas), même si les flux d’eau verte se poursuivent (la transpiration des plantes a lieu jusqu’à l’épuisement de la réserve utile en eau dans les sols environnants).
En revanche, si le volume des précipitations est supérieur à l’ETP, alors la réserve utile des sols commence à se recharger. Le ruissellement, c’est-à-dire l’écoulement de l’eau à la surface des sols (par opposition à l’eau qui y pénètre par infiltration), est directement corrélé aux précipitations. Il survient lorsque l’intensité des pluies est supérieure à la vitesse d’infiltration, ou lorsque le profil du sol est saturé en eau (phénomène de saturation de la réserve utile en eau du sol, pouvant éventuellement déclencher un transfert vers les nappes).
Les impacts du ruissellement sur les sols et la qualité de l’eau
L’érosion
La limitation du ruissellement et de ses risques pour l’environnement, par exemple l’érosion, est l’un des enjeux des projets de restauration des écosystèmes forestiers et agroforestiers. Le ruissellement est en effet l’un des moteurs de l'érosion : l'eau qui s'écoule entraîne avec elle des particules plus ou moins importantes en fonction de la quantité d'eau en mouvement et du coefficient de pente, créant un effet abrasif sur le terrain soumis au ruissellement. L’érosion peut ainsi être la source d’une perte en terre et en éléments nutritifs préjudiciables au niveau agronomique.
Les inondations
Le ruissellement peut également conduire à des crues des cours d’eau, des glissements de terrain, des coulées de boue et des inondations en aval.
Les pollutions liées à l’agriculture
Il est enfin un facteur d'aggravation des pollutions liées à l'agriculture : les engrais et autres produits de traitement sont entraînés vers les cours d'eau, puis vers les milieux littoraux ainsi que vers les mers et les océans, au lieu de rester sur le lieu d'épandage, provoquant une dégradation de la qualité de l’eau pour la biodiversité dans son ensemble.
Vers une gestion durable des ressources et des écosystèmes
Il est fondamental de projeter l’impact des projets de restauration des écosystèmes forestiers et agroforestiers afin de prendre en compte la santé du système sol-eau dans le design et la gestion des projets, et d’évaluer les bénéfices générés sur les ressources en eau grâce à leur implémentation.
Pour cela, Reforest’Action établit un scénario de base et un scénario de projet, dont l’étude permet de comprendre comment la modification de l’usage des terres et de couverture des sols aura un impact sur la ressource en eau. Autrement dit, en réintégrant des arbres au sein d’un paysage, là où ils étaient absents ou peu présents, selon différentes techniques, quel impact pourra être observé sur le cycle de l’eau, l’augmentation de l’infiltration des eaux de pluie au sein des nappes et la diminution du ruissellement et de ses risques ? Pour en savoir plus, consultez notre article « Modéliser l’impact des projets (agro)forestiers sur le système sol-eau »
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