Sur l’île indonésienne de Sumatra, Reforest’Action travaille de concert avec l’ONG locale Yakopi pour restaurer la mangrove depuis 2021. Conduite en novembre 2023, une mission d’audit a permis d’analyser les résultats des deux premières années de réalisation du projet, grâce auxquelles 880 013 palétuviers ont été plantés. Au-delà de ses impacts écologiques remarquables, notamment en ce qui concerne la biodiversité, le projet a également contribué à l'amélioration des moyens de subsistance économiques et la diversification des activités génératrices de revenus, ainsi qu’à une meilleure prise de conscience environnementale. Autant de bénéfices qui contribuent aujourd’hui au développement et à la durabilité des communautés qui dépendent de la mangrove au quotidien.
Les grandes réalisations du projet depuis 2021
Un bilan positif à l’issue des deux premières années de déploiement du projet
En décembre 2023, une mission d’audit conduite par Reforest’Action a permis notamment de vérifier :
- l’état d’avancement du projet et la géolocalisation des parcelles,
- le nombre d’arbres plantés, la densité, et la diversité des essences,
- le taux de réussite des plantations,
- le niveau de technicité du porteur de projet en termes de planification, structuration, préparation des sols, transports des plants, collecte des déchets, etc.
- l’engagement des communautés locales au sein du projet,
- et leur perception de ses bénéfices socio-économiques.
Menées de façon annuelle au cours des cinq premières années du projet, ces missions d’audit permettent également d’accompagner le porteur de projet dans une démarche d’amélioration continue et de placer l’expertise terrain de Reforest’Action au service du renforcement de la mise en œuvre du projet. De fait, l’audit de décembre 2023 a permis de constater que l’équipe de Yakopi avait fait preuve d'une amélioration significative et d'une efficacité accrue par rapport à l'année précédente grâce à l’application des recommandations formulées lors de l’audit d’octobre 2022.
Parmi ces progrès constatés figurent notamment la résolution des problèmes de géoréférencement et l’amélioration des conditions de croissance des arbres sur le terrain. En ce qui concerne les efforts de restauration des mangroves, l’audit a mis en valeur l’excellente santé des arbres plantés, avec un taux de survie de 90% pour l’ensemble des deux années de mise en œuvre du projet, et la richesse en biodiversité au niveau de la zone du projet, qui présente aujourd’hui une multitude d'espèces identifiées, notamment des oiseaux, des insectes, des poissons, des mammifères et des reptiles, témoignant de la vitalité écologique des écosystèmes de mangrove restaurés. Le projet s'est également engagé activement auprès des communautés locales afin d'améliorer leurs moyens de subsistance socio-économiques par le biais de divers programmes de développement communautaire.
De 2021 à 2022, le projet amorce sa phase initiale avec succès
Au cours de la première année du projet (2021-2022), 376 622 palétuviers ont été plantés sur une superficie de 132,69 hectares. L'accent stratégique a été porté sur un total de 16 villages, parmi lesquels Abeuk Geulante, Cinta Raja, Pangkalan Batu, Dogang et Pasar Rawa, au sein desquels ont été encouragés les efforts de collaboration avec les communautés locales et la participation active des habitants aux activités de restauration de la mangrove.
L'engagement de Yakopi auprès des communautés locales s'est traduit par l'organisation de 29 réunions de villages, auxquelles ont participé 391 personnes. Au total, 14 activités de formation ont été menées au cours du projet, dont 5 sessions axées sur les activités de pépinière et de restauration de la mangrove. Ces initiatives ont contribué au renforcement des capacités et à la diffusion des connaissances au sein de la population locale.
En termes de création d'emplois, le projet a permis d'employer 439 personnes tout au long de la saison, notamment au sein des équipes de pépiniéristes (236 personnes) et des équipes de planteurs (185 membres). Par ailleurs, 18 villageois ont participé à des activités de patrouille communautaire, qui visent à arpenter la mangrove et reporter toute activité de déforestation.
Consciente de l'importance de l'éducation dans la lutte contre le changement climatique, l’équipe de Yakopi a lancé un programme de sensibilisation au sein des écoles de la province d’Aceh et de Sumatra du Nord. Environ 408 élèves de 9 écoles ont été sensibilisés aux enjeux environnementaux et socio-économiques liés à la conservation des mangroves. Yakopi a également lancé une initiative d'écotourisme dans le village de Dogang, qui vise à utiliser les ressources naturelles de la mangrove à des fins touristiques tout en donnant la priorité à la conservation de la biodiversité. L'initiative a impliqué 45 participants locaux. Au cours de sa première année, les activités du projet ont ainsi eu un impact direct auprès de 1833 bénéficiaires.
De 2022 à 2023, le projet augmente son spectre d’action et suscite l’adhésion communautaire
Au cours de la deuxième année du projet (2022-2023), 503 551 palétuviers ont été plantés sur une superficie de 105,58 hectares. Yakopi a poursuivi ses actions au sein des 16 villages associés à la première année du projet, tout en développant la restauration de la mangrove au niveau de deux villages supplémentaires, étendant ainsi son engagement à un total de 18 villages.
La consultation et l’intégration des communautés locales se sont poursuivies via l’organisation de 19 réunions de village qui ont impliqué 170 participants. Les initiatives de formation ont été étendues au cours de cette saison, avec un total de 26 sessions. Parmi celles-ci, 11 se sont concentrées sur la formation en pépinière, 12 sur l'éducation environnementale et 3 sur les discussions de groupe. Cette approche globale vise à améliorer les compétences techniques et la sensibilisation à l'environnement au sein des populations locales. La deuxième année du projet a généré des emplois pour un total de 365 personnes, dont 193 dans l'équipe de pépiniéristes, 130 dans l'équipe de planteurs et 42 dans l'équipe de patrouille communautaire qui vise à surveiller et protéger les écosystèmes de mangrove restaurés.
L'engagement de Yakopi en faveur de l'éducation a touché 577 élèves dans 12 écoles de la province d’Aceh et de Sumatra du Nord. En parallèle, la poursuite du programme d’'écotourisme dans le village de Dogang a attiré 89 habitants et a servi de modèle de tourisme durable à l’échelle de la région.
Ces différentes initiatives de collaboration soulignent l'approche holistique de Yakopi qui combine l'engagement communautaire, l'éducation, les programmes économiques durables et les efforts de conservation de la mangrove restaurée, pour assurer le succès durable du projet. Tout au long de sa deuxième année, le projet a bénéficié de façon directe à 1 883 personnes.
Une méthodologie rigoureuse pour sélectionner les parcelles à restaurer
Déterminer les sites de plantation
Avant de s'engager dans la restauration d'une zone particulière, Yakopi procède à un examen approfondi de différents facteurs. Une analyse GIS (Geographic Information System) s'avère cruciale pour évaluer l'utilisation historique de la terre au cours des cinq dernières années. Cette analyse fait partie du processus d'évaluation foncière et permet de déterminer si le terrain a été déforesté récemment ou s'il a subi des modifications majeures en termes d’usage des sols. L'objectif est de déterminer si la zone peut être considérée comme un habitat approprié pour la mangrove. Par ailleurs, au cours de cette étude, l'attention est portée sur la végétation environnante, afin d'identifier les essences dominantes de l'écosystème et sélectionner soigneusement les espèces de palétuviers à planter lors des futures actions de restauration.
A partir de ces analyses, l'équipe GIS de Yakopi identifie alors des parcelles potentielles dont l’équipe terrain étudie ensuite la faisabilité. Les conditions foncières et sociales sont alors prises en compte afin de s'assurer notamment que les terres ont des limites administratives claires et n'entrent pas en conflit avec les limites des villages adjacents. S'il est certain que la situation est claire, Yakopi rédige un protocole d'accord pour une durée de 20 ans avec le village concerné, suite auquel les activités de restauration peuvent commencer.
Concrètement, au cours des deux premières années du projet, les sites sélectionnés dans le cadre des actions de restauration de la mangrove sont constitués de deux typologies de terres :
- Des parcelles fortement dégradées, déforestées au cours des années précédentes, au niveau des berges des rivières et des estuaires fluviaux. La plantation de palétuviers vise alors à reconstituer la mangrove originelle ainsi que ses services écosystémiques tels que la fixation des sols instables et la lutte contre l’érosion et l’élévation du niveau des eaux.
- Des étangs piscicoles abandonnés ou encore actifs. La plantation a lieu autour et à l’intérieur même des étangs, dans l’objectif de les transformer en étangs sylvo-piscicoles, aussi appelés étangs de sylvopêche, qui valorisent la richesse naturelle de la mangrove en biodiversité tout en soutenant les moyens de subsistance locaux. L’existence de la mangrove permet en effet d’améliorer la qualité de l’eau et de contribuer à l’augmentation de la production piscicole. La plantation autour des étangs sert ainsi le double objectif de maintenir l'intégrité structurelle de l'étang et de fournir une source durable de nourriture pour la vie aquatique.
Sélectionner les essences à planter
Véritable forêt amphibie, la mangrove est une formation végétale qui recouvre 75% des côtes, des deltas et des estuaires des régions intertropicales. Elle est principalement constituée de palétuviers, dont il existe près de 100 espèces différentes. Toutes sont dotées de capacités d’adaptation à une salinité élevée, à l’immersion de leurs racines et à la faible oxygénation du sol due à la vase. Par exemple, les Rhizophora présentent des tiges qui s’ancrent directement dans la vase. Chez les Avicennia, des tiges verticales (pneumatophores) sont dotées de petites fentes qui s'ouvrent à marée basse pour permettre la respiration.
Dans le cadre du projet conduit par Yakopi, quatre espèces distinctes de palétuviers ont été sélectionnées en fonction de la végétation observée au sein de la zone du projet. Parmi elles, l'espèce prédominante est Rhizophora stylosa, suivie par Avicennia sp, Rhizophora apiculata et Rhizophora mucronata. Cette diversité des essences contribue directement à la richesse écologique et à la résilience des efforts de restauration.
Restaurer la mangrove : des pépinières au suivi de la croissance des arbres
La production des palétuviers en pépinières
Afin d’alimenter les pépinières, Yakopi s’associe aux communautés locales pour la récolte des propagules. Une propagule est une structure multicellulaire destinée à être libérée pour assurer la multiplication et la propagation de l'organisme qui la produit. Les propagules du palétuvier ont la forme de longs tubercules. Elles peuvent être récoltées sur les arbres matures puis plantées en pépinières pour générer de nouvelles pousses. Afin de favoriser la santé et la vitalité des jeunes palétuviers, ceux-ci sont conservés pendant un temps sous des bâches et irrigués si nécessaire après avoir été transportés de la pépinière au site de plantation. Cela permet l’atténuation du stress résultant du déplacement et leur bonne acclimatation à leur nouvel habitat.
La plantation des arbres au sein des sites sélectionnés
La méthode de plantation des palétuviers est définie en fonction des conditions uniques de chaque site, en tenant notamment compte du niveau des marées et de la puissance du courant. Dans les zones sujettes à de fortes vagues, les plantations sont effectuées de façon dense et amarrées le long de la côte via un piquet placé au niveau de chaque plant, qui lui assure une stabilité et une résistance optimales face au vent et aux courants marins. Dans des conditions d'érosion plus modérées, un système avec deux plants par piquet et une densité de plantation moins élevée sont appliqués pour limiter l’impact de l’abrasion. La plantation des palétuviers ne dépend pas de la saison (sèche ou humide) mais du rythme des marées, et s’opère à marée basse pour faciliter l'accès des planteurs aux sites de restauration.
Le suivi et l’entretien des parcelles de mangrove restaurées
Une plantation de palétuviers réussie se traduit par une croissance luxuriante des arbres, la présence de feuilles d'un vert éclatant et l'émergence de nouvelles pousses. Après la plantation, un suivi de la croissance est mis en place par Yakopi pour mesurer différents paramètres environnementaux et évaluer le taux de survie. En cas de mortalité des arbres, due par exemple à l'impact des vagues, la présence de bernacles, l'interférence des crabes ou l'exposition aux parasites, Yakopi adopte une approche proactive du regarni et s'assure que tous les arbres qui ne survivent pas sont rapidement remplacés. Avec un taux de survie moyen de 90% rapporté par l’audit Reforest’Action de décembre 2023, le succès obtenu n'est pas seulement un témoignage de la mise en œuvre efficace du projet, mais souligne également la capacité de notre partenaire à surmonter les défis et à assurer le succès à long terme de la restauration de la mangrove.
Évaluer les bénéfices socio-économiques pour les communautés locales
Un fort engagement communautaire
Rencontrés par Reforest’Action lors de la mission d’audit de décembre 2023, les membres de la communauté activement impliqués au sein des équipes de pépiniéristes et de planteurs expriment un niveau élevé de satisfaction et d'enthousiasme quant aux bénéfices multiples du projet. Ces bénéfices comprennent l'amélioration des moyens de subsistance économiques, une plus grande sensibilisation à l'environnement facilitée par des initiatives de formation et de socialisation, et le développement de liens sociaux cohésifs au sein des villages. Le sentiment qui prévaut au sein de la communauté est celui de la gratitude et de l’enthousiasme à l'égard de l'existence du projet, avec la volonté de le voir se poursuivre et s'étendre.
Le développement des activités génératrices de revenus fondées sur la mangrove
Les activités génératrices de revenus issues des richesses naturelles de la mangrove se sont notamment diversifiées au cours des deux années du projet. Cette expansion illustre l’approche stratégique conduite par Yakopi du développement économique durable au sein des communautés afin de favoriser leur résilience et leur adaptabilité.
Présent naturellement au sein de la mangrove, en association avec les différentes espèces de palétuviers, le palmier nipa est le seul de son espèce à pouvoir croître dans l’eau. De coutume, il était utilisé pour créer des toits en fibre végétale. Mais cette pratique exigeait la coupe complète de l’arbre, participant dès lors à la déforestation au sein des écosystèmes de mangrove. Dans l’optique de conserver l’intégrité des forêts, Yakopi a réfléchi à une solution pour que les communautés locales continuent à intégrer le nipa à leur économie sans toutefois passer par la coupe des palmiers, précieux pour le maintien des sols vaseux qu’ils contribuent à fixer grâce à leurs racines. C’est ainsi que s’est répandue, au sein des villages associés au projet, la production de sucre de palme, issu de la sève du nipa. Particulièrement prolifique, chaque tige de nipa peut sécréter jusqu’à un litre de sève par jour, qui peut être consommée directement comme boisson énergisante. Elle peut également être cuite afin d’en extraire un sucre naturel utilisé pour la cuisine ou vendu sur les marchés locaux. Le fruit est lui aussi consommé par les villageois et participe à leur sécurité alimentaire. Le produit attire aujourd’hui les consommateurs locaux, et grâce à cette filière économique, les villageois bénéficient d’un revenu complémentaire.
D’autres produits dérivés des richesses naturelles des mangroves ont été développés dans le cadre du projet conduit par Yakopi, à l’image des fruits confits de palmier nipa, ainsi que des chips de crevettes et de seiches issues des étangs de sylvo-pêche ou récoltées naturellement à proximité de la mangrove via des activités de pêche traditionnelle. L’ensemble de ces produits dérivés de la mangrove sont actuellement produits et commercialisés localement grâce au projet, et contribuent de manière significative au bien-être économique des communautés locales.