Richard Sourbès, chargé d’impact pour Reforest’Action, est responsable du suivi et de la mesure d’impact via des outils de télédétection et de géomatique (SIG). Il explique les besoins auxquels répondent ces outils et ce qu’ils apportent dans la conception du design de nos projets de restauration des écosystèmes forestiers et agroforestiers, ainsi que dans le suivi de leurs résultats.
En quoi le pilotage de l’impact est-il un pilier des activités de Reforest’Action ?
Richard Sourbès : Les innovations scientifiques et technologiques, telles que le suivi satellitaire et l’intelligence artificielle, ouvrent de nouvelles perspectives pour accompagner le développement des projets de restauration des écosystèmes forestiers et agroforestiers. Depuis 2021, Reforest’Action mène des travaux de recherche afin de développer un système d’information et d’analyse de données autour de nos projets et de leurs impacts. Ce système, qui repose notamment sur la télédétection et la géomatique, est crucial pour augmenter l’efficacité de nos activités et apporter de la transparence aux investisseurs qui financent nos projets. Il vise à guider autant la conception que le suivi et l’évaluation des résultats de nos projets sur le long terme.
Comment s’articulent la télédétection et la géomatique (SIG) ?
Richard Sourbès : La télédétection, ou remote sensing, s’appuie sur des données matricielles acquises à distance par des capteurs spatioportés (satellites) ou aéroportés (drones), pour analyser les caractéristiques physico-chimiques des surfaces terrestres à travers diverses bandes spectrales.
La géomatique, ou les systèmes d’information géographique (SIG), combinent la cartographie, l’informatique et l’analyse statistique pour traiter des données vectorielles, c’est-à-dire des données géoréférencées (caractérisées par des coordonnées GPS).
Chez Reforest’Action, ces deux disciplines sont utilisées de façon complémentaire. La télédétection nous fournit des images satellitaires auxquelles sont superposées des bases de données SIG, comme des données topographiques, hydrographiques, etc. Combinées, les images acquises par télédétection et les bases de données SIG permettent de réaliser des analyses géospatiales de qualité.
Comment l’analyse géospatiale intervient lors de la phase de conception d’un projet ?
Richard Sourbès : En amont de l’implémentation d’un projet, une étude est conduite afin d’analyser ses priorités et ses contraintes, ainsi que son adéquation à notre cahier des charges ou aux critères d’éligibilité à la certification par un standard international du carbone. L’analyse de données par le Pôle Impact de Reforest’Action intervient dès cette étude préliminaire.
Il s’agit, en particulier, d’analyser la matrice paysagère de la zone du projet à partir d’images satellitaires et de bases de données géospatiales, afin d’estimer la typologie de couverture des sols, la composition des sols ou encore le relief. Nous réalisons aussi une analyse de risques qui permet de savoir si la zone du projet est sujette à la déforestation, aux incendies ou encore à des inondations.
Cette phase consiste ainsi à produire différentes cartes, dont l’analyse permet de contextualiser le projet et de mieux connaître les enjeux spécifiques à sa typologie d’écosystème. En superposant les cartes obtenues, nous pouvons alors estimer les zones à fort potentiel au sein desquelles il sera possible de développer notre projet.
Quelle est l’utilité de l’analyse géospatiale pour orienter le suivi sur le terrain de la santé des écosystèmes restaurés ?
Richard Sourbès : En amont des missions de monitoring conduites par Reforest’Action sur le terrain durant les cinq premières années du projet, les échantillons de parcelles à auditer peuvent être définis via des images satellitaires qui sont analysées pour réaliser une stratification du projet. Il s’agit d’un découpage de la zone du projet en plusieurs sous-parcelles homogènes en termes de design du projet, de types de végétation et de topographie. Ce procédé de stratification permet ensuite de mettre en place un monitoring opérationnel qui reflète la réalité du projet de la façon la plus objective possible.
La télédétection intervient également pour évaluer, à distance, la santé de l’écosystème forestier, avant d’aller la vérifier sur le terrain. L’analyse de l’indice de teneur en humidité de la végétation (NDMI) et de l’indice de densité de la biomasse (NDVI) permet d’obtenir une vue d'ensemble de la vigueur de la végétation dans la zone du projet et d’identifier de potentiels dysfonctionnements, comme par un exemple un stress hydrique.
Les missions sur le terrain, orientées par cette analyse, viseront alors à explorer les zones identifiées à distance comme étant en état potentiel de stress, mais aussi celles qui semblent plus saines, afin de mieux comprendre les caractéristiques de l'écosystème à l’origine de ce différentiel.
Ces outils nous permettent de mieux contrôler l’évolution de nos projets, d’optimiser les missions de suivi sur le terrain et de proposer des mesures correctives dès qu’une évolution négative est détectée.
Comment la télédétection permet-elle d’évaluer la diversité végétale au sein d’un écosystème forestier ?
Richard Sourbès : En collaboration avec The Global Biodiversity Standard, Reforest’Action a développé une méthode et des outils dédiés à la cartographie de la diversité des espèces d’arbres au sein des canopées, qui se fonde sur un concept de J.-B. Féret et G. P. Asner. Ces outils sont alimentés par des images satellitaires. Ils permettent d’évaluer, par proxy, la diversité biologique des essences de la canopée au sein d’une parcelle donnée, en les regroupant en catégories nommées « espèces spectrales » en fonction de leurs propriétés physiques et biochimiques. Nous pouvons ainsi mesurer, grâce à la télédétection, l’évolution de la diversité des forêts au sein de la zone d’un projet au cours du temps.
En quoi la méthode des espèces spectrales permet-elle de mieux intégrer la biodiversité végétale dans la gestion forestière ?
Richard Sourbès : Cette méthode et ses outils associés sont précieux dans le cadre de projets de gestion et de restauration des forêts. Les données obtenues, géoréférencées, permettent de délivrer un diagnostic initial de la biodiversité végétale de la canopée à l’échelle d’une forêt, de mieux comprendre les facteurs écologiques et environnementaux qui favorisent ou défavorisent cette diversité, d’établir de bonnes pratiques qui conduisent à une diversité élevée, ou d’adopter des mesures correctives dans le cas inverse. Les gestionnaires forestiers peuvent ainsi s’appuyer sur ces données pour faire évoluer leurs pratiques de gestion afin d’optimiser la diversité des essences, ainsi que la stabilité et la résilience de l’écosystème forestier dans son ensemble.
Richard Sourbès est chargé d’impact pour Reforest’Action. Il a réalisé sa formation au sein de l’université de Bordeaux Montaigne, de l’IUT Paul Sabatier de Toulouse, Auch et Castres et de l’université de Rennes 2. Il possède une licence en géographie et aménagement des territoires, une licence en géomatique (sciences des informations géographiques) et en cartographie, et un master en télédétection appliquée à l’environnement. Ces études au sein de différents domaines lui ont permis de développer des méthodes et des compétences qu'il met au service du pilotage de l’impact pour Reforest'Action depuis 2022.